Rejet partiel des partis historiques, de gauche comme de droit

 

Allemagne/UE – Les résultats aux deux élections régionales qui se sont déroulées hier dans les lands de Saxe et de Brandebourg, ont confirmé ce qui était subodoré, en l’occurrence une percée encore plus forte que prévue du mouvement d’extrême-droite Alternative für Deutschland (AfD), formation née de l’introduction de l’euro, accusée au départ de creuser les inégalités entre les parties occidentale et orientale de la RFA pour prendre par la suite la voie d’un regroupement de tous les mécontents à l’égard des règles imposées par l’Union Européenne. Il faut se faire à l’idée que les citoyens nés avant la Chute du Mur de Berlin et leurs héritiers n’ont toujours pas la même conception des valeurs européennes définies par Bruxelles.

La Saxe : à droite et très à droite
Le Brandebourg : à gauche et très à droite

Cela vaut pour les territoires de l’ex-RDA mais aussi pour toutes les Républiques qui ont été autorisées à rejoindre l’UE en 2004, 2007 (Roumanie et Bulgarie) puis 2013 (Croatie). Dans ce contexte, la presse et les dirigeants occidentaux ont la fâcheuse tendance à assimiler les populations de ces territoires à des eurosceptiques ou à des antilibéraux primaires, or c’est l’erreur à ne surtout pas commettre car il est dans ces pays des citoyens qui sont encore plus européens que ne l’est la plupart des occidentaux. Tous sont convaincus que l’Europe n’est peut-être pas la meilleure des solutions mais qu’elle est la moins pire. Les électeurs de la Saxe et du Brandebourg ont certes sanctionné le parti d’Angela Merkel, la CDU (Unions Chrétienne Démocrate) et celui de son prédécesseur, Gerhard Schröder, le parti social-démocrate (SPD) mais aussi le mouvement d’extrême-gauche Die Linke, lequel même s’ils s’en défend, se fait le porte-parole des nostalgiques du régime communiste. Die Linke a en effet été le grand perdant des deux scrutins du 1er septembre qui prouve que la grande coalition actuellement en fonction à Berlin n’est pas fondamentalement remise en cause. Contrairement à ce qui s’est passé en France en 2017, les partis traditionnels ont perdu de leur superbe sans être radicalement remis en cause. Dans le Brandebourg et la Saxe, ils détiennent, respectivement 45,5% et 46,2% des sièges. Si on compare ces scores à ceux obtenus, en France, par le Parti Socialiste et le Parti Républicain, il est alors difficile d’associer les résultats du SPD et de la CDU à une bérézina. Il suffit de survoler le paysage électoral des deux lands pour constater que plus on va à l’est et plus l’AfD reprend des ailes (en bleu sur nos illustrations). Plus on se rapproche de la Pologne ou de la République Tchèque, plus les idées populistes prospèrent. Le verdict des urnes est un énorme challenge pour les dirigeants berlinois mais encore davantage pour les élus locaux qui sont en première ligne pour résoudre des problèmes récurrents nés de l’ouverture des frontières. Bien que la criminalité, tous délits confondus, soit plus élevée à l’ouest (Rhénanie du Nord-Westphalie, Bade-Wurtemberg et Bavière) qu’à l’est, c’est dans la partie orientale du pays qu’elle est la plus médiatisée. Au niveau fédéral, en 2017, police et justice ont donné suite à 57,1% des actes de délinquance, ce qui signifie que 43% sont demeurés impunis (Source : Bundeskriminalamt). Or, c’est dans les régions frontalières que les délits, considérés souvent comme anodins car classiques, à l’instar des vols de véhicules, cambriolages, trafic de drogue et de cigarettes ou prostitution sont les plus fréquents, ce qui crée légitimement un sentiment d’impunité, d’injustice et d’insécurité. Il est inutile de séjourner des semaines entières à Dresde, Leipzig, Potsdam, Magdebourg ou Erfurt pour entendre ce propos acerbe et amer qui tient en cinq mots : « Avant, ça n’existait pas ! ». Pour limiter la montée en puissance de l’AfD, les pouvoirs publics allemands mais aussi européens doivent être en mesure de muter cette constatation en interrogation : « Que devons-nous faire pour que ça n’existe plus ? ». Et c’est de cette réponse que dépend l’avenir démocratique de l’Allemagne mais aussi de l’Europe toute entière. Tant qu’un paquet de Marlboro coûtera quatre euros en République Tchèque et sept en Allemagne, tant qu’une bouteille de Vodka Chopin vaudra 15 euros à Berlin et deux fois moins à Varsovie , il ne faudra pas s’étonner de voir des Tchèques ou des Polonais traverser une frontière devenue artificielle, pour arrondir leur fin de mois. L’AfD n’apporte aucune solution concrète et réaliste pour mettre fin aux inégalités sociales en Europe mais elle trouve les mots justes pour sensibiliser les plus vulnérables, dont le nombre ne cesse d’augmenter, ce qui explique que le très fort taux de participation dans les deux lands, lequel a allègrement franchi les 60%. A titre de comparaison, à peine 20% des Français s’étaient déplacés pour élire leurs conseillers régionaux en 2015, ce qui prouve que jamais les différences de gestion entre les deux pays n’ont été aussi flagrantes. vjp

A nos lecteurs : www.pg5i.eu qui préfère traiter l’information avec le recul plutôt qu’à  » chaud » reviendra plus en détail sur ces élections, lorsque les deux gouvernements régionaux auront été constitués. Dans ces deux lands, le SPD et la CDU vont avoir besoin d’un 3ième partenaire pour pouvoir gouverner. Les Verts, bien qu’ayant nettement progressé, ne sont pas les seuls alliés entrant en ligne de compte, notamment dans le Brandebourg où ils sont à égalité avec Die Linke.

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