Vaccination en Pologne : entre tradition et modernité

Pologne / UE – On aurait pu s’imaginer que le découverte rapide d’un vaccin conjuguée avec les mesures de restriction imposées par les pouvoirs publics, allaient encourager les populations à se précipiter dans les centres de vaccination comme elles auraient aimé s’y rendre dans ceux de dépistage. Beaucoup de dirigeants se sont trompés en croyant que les campagnes de vaccination allaient se vulgariser aussi vite que le virus s’est répandu. Dans de très nombreux pays, on dénombre autant de partisans que de réfractaires à n’importe lequel des vaccins proposés. Parmi les plus sceptiques se trouvent les Polonais  qui à 44%, selon le dernier sondage de l’institut IBRIS, refuseront de se faire vacciner,  9% demeurant indécis. Sur les 47% qui représentent les pro-vaccins, 67% sont âgés de 70 ans ou plus et seulement 29% ont moins de 30 ans. Cette enquête révèle par ailleurs une forte différence entre les sexes. Alors que  les hommes sont à 69% disposés à se faire vacciner, seules 35% des femmes sont prêtes à en faire de même. Bien qu’il soit conseillé de prendre avec de pincettes ce type de sondage, il n’en demeure pas moins qu’en Pologne le risque est grand que les efforts que déploie aujourd’hui le gouvernement ne porte pas du jour au lendemain les fruits qu’il  en attend.

Janusz Zagorski, fondateur de la chaîne NTV : selon lui, le Covid 19 est une gigantesque manipulation destinée à nous aliéner.

Les nouveaux dissidents milliardaires

D’une manière générale, les Polonais ne sont pas plus sceptiques  que les autres Européens face à la pandémie et les mesures prises pour l’éradiquer mais à l’instar de tous leurs voisins d’Europe Centrale ils ont parfois l’impression de revivre avec les occidentaux ce qu’ils ont subi sous l’ère soviétique, en l’occurrence des mots d’ordre venant d’en haut qu’il faut suivre au doigt et à l’œil pour éviter un certain nombre de désagréments, sanctions, contraventions, contrôles, etc. Ce chantage qui consiste à dresser et légitimer des amendes à l’encontre de ceux qui ont le droit de douter des stratégies adoptées serait foncièrement antidémocratique s’il devenait obligatoire. Certains hommes politiques plaident pour une société à deux vitesses, une réservée aux personnes vaccinées qui recouvreraient tous leurs droits dont ceux de se déplacer et de se réunir, l’autre destinée aux réfractaires au vaccin jetés aux gémonies par une presse conciliante les accusant de complotisme et d’irresponsabilité. Depuis plusieurs semaines les collecteurs officiels de données cumulent le nombre de personnes décédées A CAUSE ou AVEC le virus. Cette nuance est de taille lorsqu’une majorité de personnes confrontées à un deuil pendant la crise sanitaire ont conscience que leur défunt était depuis des années gravement malade. Si les pouvoirs publics doivent faire face au scepticisme à l’égard des vaccins, c’est parce qu’ils en sont les premiers responsables. Si la moitié de la population polonaise ne suit pas les conseils et recommandations prodigués au sommet de l’Etat, la responsabilité, si responsabilité il y a, en incombera à certains membres du gouvernement qui,  à l’instar du secrétaire d’Etat au patrimoine, Janusz Kowalski,  a publiquement annoncé que pour rien au monde, il ne se ferait vacciner. Cette stratégie du « Faites ce que je vous dis, ne faites pas ce que je fais » a fonctionné pendant des décennies sous l’ère soviétique, époque au cours de laquelle quelques poignées d’individus détenaient tous les privilèges alors que des millions de leurs sujets étaient privés de tout. Dans ce contexte,  il est donc tout à fait  logique que des thèses contradictoires apparaissent et se répandent car elles sont le fruit d’une démocratie durement gagnée et méritée. La différence entre les dissidents d’hier et les opposants d’aujourd’hui, provient du fait que les premiers agissaient clandestinement pour la bonne cause, alors que les seconds disposent de tous les moyens y compris les plus onéreux pour défendre leurs points du vue, qu’ils soient pensés ou farfelus. Alors que les dissidents d’hier étaient des dramaturges, des journalistes, des historiens ou des philosophes, les opposants d’aujourd’hui sont souvent des imposteurs, des calculateurs ou des prévaricateurs qui savent utiliser toutes les ficelles pour se faire entendre. Lorsqu’ils deviennent multimillionnaires en euros (souvent grâce aux fonds européens !)  et multimilliardaires en zlotys, forints, lei ou couronnes,  ils peuvent s’autoriser toutes les libertés et tenir tous les propos car ils auront toujours derrière eux une cohorte qui les suivra ou les croira. Ces « Coronapenseurs »  sont organisés et savent créer en toute hâte des associations, à l’instar de STOP NOP (« Arrêtons les effets indésirables du vaccin ») dont les porte-parole utilisent le moindre propos ambigu d’un virologue inconnu pour l’ériger en doctrine. Cet héritage de l’époque stalinienne que leur parents et grands-parents leur on légué,  est inscrit dans leur ADN, ce qui leur permet,  après avoir cloué au piloris les chinois, ces « têtes de citrons » qui nous envahissent pour mieux nous avaler, de franchir les océans pour suspecter Bill Gates de polluer nos esprits. Et c’est ainsi que Janusz Zagorski, fondateur de la chaîne privée NTV, se fait un devoir de dénoncer les « mensonges du Covid 19 », cette pandémie qui ne serait ni plus, ni moins qu’un instrument au service des puissants de ce monde aspirant à s’infiltrer dans nos cerveaux. « Ils vont pouvoir nous scanner comme ils le font avec les produits qu’ils vendent  dans les supermarchés » déclare Zagorski qui se réjouit de voir le nombre d’abonnés à sa chaîne augmenter de jour en jour depuis le début de la crise sanitaire. Il dépasse à ce jour les 300.000, soit une croissance de 30% par rapport à mars dernier.

Quand les évêques et les vegans s’en mêlent

Mais le  gouvernement se voit confronté à deux autres problèmes auxquels il aura des difficultés à faire face car ils s’inscrivent à la fois dans le passé et le futur. Le premier provient du fait que les plus réfractaires aux vaccins appartiennent à son propre camp, le parti PiS au pouvoir et celui d’extrême-droite Konfederacja (Confédération) qui en parallèle au débat s’instaurant sur les vaccins en a fait resurgir un autre, infiniment plus sensible, en l’occurrence celui de l’avortement. Le fait que les scientifiques aient été autorisés à effectuer des recherches à partir de cellules prélevées sur des fœtus, a réveillé les vieux fantômes présents dans la conscience collective d’un pays où il arrive que même les athées ont des doutes sur l’inexistence de Dieu.  Il était impossible pour les tenants du pouvoir de faire accepter les campagnes de vaccination sans avoir l’aval de la Conférence des Evêques, laquelle s’est ralliée à la position du Vatican, qui, compte tenu de la propagation du virus,  n’a pas jugé utile de remettre en cause la vaccination pour délégitimer les lois sur l’avortement. Mais, délestée de ce fardeau, le gouvernement se retrouve face à une nouvelle tendance, le changement d’alimentation des Polonais. A l’instar des Tchèques, des Hongrois, des Slovaques des Roumains et de pratiquement tous les habitants d’Europe Centrale et Orientale, les Polonais sont connus pour être de gros consommateurs de viande. Toutes leurs recettes traditionnelles sont à base de porcs, de beaufs , de volailles, d’agneaux ou de poissons d’eau douce, au premier rang desquels le hareng, la truite et la carpe.  Or, il se trouve que depuis une dizaine d’années, ce sont sur ces territoires que les campagnes d’information promouvant une alimentation plus saine semblent les plus efficaces. Ce n’est ni à Paris, ni à Madrid ou à Rome que le nombre de restaurants végétariens et végétaliens est le plus élevé comparativement au nombre d’habitants et de touristes, mais à Tallinn, Prague, Budapest et Varsovie. La capitale polonaise a battu l’an dernier le record mondial quant au nombre de restaurants proposant des menus vegan, plus d’une quarantaine au total. Dans toutes ces métropoles, les hôtels-restaurants se sont pliés à cette tendance qui n’est plus un phénomène de mode mais une réalité économique. Or, il se trouve que ce sont les jeunes générations, à priori selon les sondages les moins réceptives aux campagnes anti-vaccination,  qui sont les plus sensibles au « manger sans viande ». Le gouvernement polonais ne s’imaginait pas se voir confronté à ce dilemme qui va le contraindre, dans ses campagnes de promotion des vaccins, à marcher sur des œufs. ak & pw (Adaptation en français : pg5i/vjp) Nombre de mots : 1.410

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