Timisoara, « Capitale Européenne de la Culture » et… de la démocratie

Roumanie/UE – Ovidiu Megan est le nouveau directeur de l’association « Timisoara Capitale européenne de la culture« . Il s’occupera dans les mois à venir de la promotion et de la communication de la Capitale européenne de la culture Timisoara/Temeswar, mais aussi de la collecte de fonds, du bénévolat et du suivi des fonds dépensés pour la mise en œuvre du programme.

Le professeur d’université et homme d’affaires a été nommé à l’unanimité par le conseil d’administration de l’association pour une période de trois mois. L’association devra ensuite organiser une procédure de sélection ouverte pour ce poste. Ovidiu Megan a une expérience significative dans le domaine de la gestion : il a été vice-recteur de l’université occidentale de Timisoara, doyen de la faculté d’économie et de gestion des affaires et directeur du département d’accès aux projets et de mise en œuvre au sein de l’université occidentale, mais aussi directeur général de l’association pour le développement inter-communautaire, structure dédiée à la croissance de la troisième plus grande ville du pays après Bucarest et Cluj. Ovidiu Megan possède par ailleurs une longue expérience dans le domaine des ONG. Il a été l’un des principaux organisateurs du Flight Festival à Timisoara – le seul festival de musique, d’art et de technologie du pays, ce qui lui a permis de se familiariser avec tous les rouages nécessaires à l’obtention et gestion de fonds qu’ils soient publics ou privés. Aujourd’hui, l’économiste se propose de tirer le meilleur parti de la capitale culturelle de Timisoara, une ville dotée d’un fabuleux patrimoine dont la richesse est due à la multiplicité d’ethnies cohabitant en parfaite harmonie. Ovidiu Megan va préparer le terrain pour que 2023 soit l’année de la reconnaissance internationale de la ville; laquelle a été aux 18ième, 19ième et 20ième siècles le terrain d’expérimentations ou de villégiature de très nombreux artistes mais aussi et surtout d’architectes de renom. Plus de 14.000 sites ont été récemment répertoriés dont beaucoup sont menacés de disparition (*). Ovidiu Megan a accordé récemment une interview à l’Allgemeine Deutsche Zeitung (ADZ) que nous reproduisons ci-après et dans laquelle il ressort clairement qu’il va tout mettre en œuvre que tous les habitants de Timisoara et de sa région, quelles que soient leurs origines, y soient étroitement impliqués et mobilisés.

ADZ : L’ensemble du processus de l’association et sa stratégie ont été contestés ces dernières années. A la fin de l’année dernière, Simona Neumann (*) a quitté son poste de directrice de l’association de la capitale culturelle. Vous avez maintenant repris cette fonction. Comment voyez-vous votre nouvelle mission ?

Ovidiu Megan : J’ai une dose assez élevée d’optimisme, cela m’a toujours aidé dans tout ce que j’ai entrepris, que ce soit dans le domaine de l’entreprise ou de la culture. Je me lance toujours sur une nouvelle voie, dans mon travail ou dans un nouveau projet, avec un objectif clair en tête. Cette fois, j’ai rejoint ce projet de capitale culturelle et je me propose de tirer le meilleur parti de ce contexte. C’est une excellente opportunité que Timisoara ne rencontrera probablement plus dans les 50 prochaines années et il serait dommage de ne pas en profiter. Est-ce trop tôt ou trop tard pour cela ? Bien sûr qu’il est tard. Nous devons être réalistes. Mais il est encore possible de faire beaucoup de choses. La société est sceptique et je le comprends très bien : Depuis des années, elle ne voyait aucun programme concret, aucune stratégie claire. Cela s’explique aussi par le fait que jusqu’à récemment, le financement de nombreuses initiatives et projets n’était pas clairement défini.

Or, depuis juin, il est évident , selon la décision 83 du gouvernement, que les fonds seront financés par le Centre de projets de Timisoara ainsi que par le Centre pour la culture et les arts du Conseil départemental de Timisoara. Ce que nous devons faire en tant qu’association, c’est rassembler ces initiatives dans un programme culturel clair, le promouvoir et le faire connaître à tous les habitants du pays et de l’étranger ce qui leur confèrera ainsi une certaine crédibilité.

ADZ : Quelles sont les principales étapes à entreprendre ?

OM :La première étape est l’élaboration du calendrier culturel pour l’année 2023. Il faut éviter le chevauchement des événements, nous ne devons pas avoir de lacunes dans le programme et surtout, le calendrier culturel doit être connu de tous. Tout d’abord, il doit être présenté aux citoyens de Timisoara, car ils doivent constituer un bon vecteur de communication.L’étape suivante consistera alors à lancer une stratégie de communication claire. Nous nous proposons de travailler avec des professionnels du secteur afin d’en faire la promotion en Pologne et à l’étranger. J’aimerais également que le nombre de vols directs vers Timisoara soit augmenté afin que la ville soit reliée à davantage de villes et de pays européens.

ADZ : Vous avez mentionné précédemment que l’on sait désormais exactement qui recevra combien d’argent pour la mise en œuvre du programme : d’une part le centre de projets de la ville, d’autre part le conseil régional de Timisoara. Pensez-vous que ces acteurs importants vont enfin pouvoir s’asseoir à la même table et travailler main dans la main pour atteindre un objectif commun ?

OM : Nous souhaitons tous cette compréhension et cette collaboration. Nous devons désormais tous avancer dans la même direction. Oui, c’est vrai, c’est désormais certain depuis début juin : le programme culturel 2023 recevra 52 millions de lei du gouvernement roumain. Sur cette somme, 18 millions de lei iront au conseil départemental de Timisoara et 33 millions de lei au centre de projets de la ville. Outre ces moyens, des fonds seront également mis à disposition pour l’infrastructure. La mairie reçoit environ 115 millions de lei, le conseil départemental 32 millions et le Théâtre national de Timisoara 30 millions de lei pour le développement de l’infrastructure. (**). Ce sont des contributions considérables, l’important est que ces fonds soient dépensés à temps et efficacement. Notre tâche consiste à surveiller ces procédures. Nous surveillerons les appels à projets pour ces financements et devrons rendre compte trimestriellement de ce qui est fait avec les fonds alloués par le gouvernement, si les fonds ont été demandés et dépensés, s’il y a eu des appels, si les projets ont été réalisés, etc.

ADZ :L’association doit désormais également s’occuper de la stratégie de communication et de promotion, de la collecte de fonds et du bénévolat. Que prévoyez-vous à ce sujet ?

OM :La collecte de fonds est en étroite collaboration avec le programme culturel. On ne peut pas demander de fonds sans savoir concrètement ce que l’on peut proposer. Le programme est décisif à cet égard. J’estime que le programme sera prêt dans trois mois environ. Mais nous ne resterons pas les bras croisés d’ici là : Nous avons récemment conclu un partenariat avec une société de conseil internationale. Nous voulons ainsi nous adresser aux entreprises multinationales, car ce sont elles qui ont la plus grande capacité de financement.Nous voulons informer ces entreprises qu’en Roumanie, elles ont la possibilité de reverser gratuitement 20 % de l’impôt sur les sociétés à des ONG et à des projets. Dans notre cas, elles pourraient reverser ces fonds aux ONG culturelles qui s’occupent de la mise en œuvre du programme culturel 2023. Elles peuvent donc contribuer directement au programme de la capitale culturelle. Nous prévoyons donc des rencontres directes avec des représentants de ces entreprises afin de leur présenter les ONG et leurs projets. Ils pourront ensuite décider quel projet ils souhaitent soutenir et avec quel montant. La collecte de fonds est particulièrement importante pour nous, car elle permet d’élever le niveau artistique pendant l’année de la capitale de la culture et de promouvoir ainsi notre ville en tant que destination culturelle.

ADZ :Quels sont vos projets en matière de bénévolat ?

OM : Chaque projet est composé de petites pièces de puzzle. Chacun d’entre nous représente donc une pièce du puzzle. Nous pouvons ainsi contribuer à l’image globale. Notre projet est de lancer une campagne de présentation une fois que le programme culturel pour 2023 aura été établi. Les citoyens peuvent alors s’impliquer eux-mêmes dans l’organisation, même si ce n’est que pour une seule journée pour un projet spécifique. Un autre élément est également qu’ils peuvent faire don de leur salaire journalier à un projet. Par ce geste symbolique, ils contribuent à la capitale culturelle de Timisoara. Je crois fermement que c’est le seul moyen de sensibiliser les gens au programme ou de leur faire sentir qu’ils y sont attachés. Chacun restera fidèle au projet auquel il contribue et en deviendra un bon ambassadeur. Dans ce sens, nous avons réfléchi dans deux directions : un programme de recrutement et un programme de préparation, car chaque volontaire doit avoir des données précises sur la ville et le programme. Pour cela, nous travaillons en étroite collaboration avec un spécialiste du bénévolat. Celui-ci dispose d’une grande expérience dans la coordination des volontaires, acquise il y a quelques années lors des Jeux olympiques de Londres.

ADZ : Quel est le principal atout de la ville de Timisoara ?

OM : La principale force reste la diversité multiethnique et multiculturelle. Le fait qu’autant d’ethnies vivent ici en harmonie nous permet d’entrer en contact avec différents projets culturels et d’être beaucoup plus facilement en contact avec différentes perspectives culturelles.Le slogan « Shine Your Light. Light Up The City » reste d’actualité. Chacun d’entre nous peut faire bouger le projet de la capitale de la culture par sa propre lumière, c’est-à-dire par sa propre force. Je reste optimiste, – même s’il est tard, il n’est pas trop tard pour tirer le meilleur parti de cette opportunité.

(Source : ADZ/ Andreea Oance – Adaptation en français : pg5i / vjp – Nombre de mots : 1.713)

(*) C’est à cause de la pandémie que Timisoara est devenue en 2023 et non en 2021, capitale européenne de la culture. Simona Neumann, nommée au départ à la tête de l’organisation, a remis sa démission suite à un certain nombre de désaccords avec les autorités locales et plus particulièrement la municipalité. Très proche des investisseurs italiens en Roumanie, elle a été nommée depuis directrice générale de Confindustria Romania.

(**) Le montant global des sommes disponibles s’élève à 229 millions de lei, soit près de 46 millions d’euros. Bien que ce volume paraisse énorme voire colossal aux yeux des Roumains, il ne suffira pas à réparer les dégâts causés par l’ancien régime de Ceausescu. Selon l’association Heritage of Timisoara, le ville dispose de plus de 14.000 édifices dont plus de la moitié a été laissée à l’abandon. Pour sauver réellement Timisoara et son patrimoine, une vaste campagne du financement participatif à l’échelon européen mériterait d’être engagée.

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