Réunion de Ramstein : première mise à l’épreuve de Boris Pistorius

Allemagne/UE/USA – Quelques heures seulement après avoir été officiellement nommé par le président de la République, prêté serment devant l’assemblée parlementaire puis reçu les honneurs militaires, le nouveau ministre de la Défense, Boris Pistorius (notre photo) s’est entretenu avec son homologue américain en vue de la préparation de la réunion de Ramstein qui se déroule aujourd’hui sur cette base aérienne américaine et à laquelle sont conviés les ministres de la Défense de tous les pays engagés dans le conflit russo-ukrainien. Le président ukrainien, Volodymyr Zelenski, attend beaucoup de ce sommet organisé à la hâte et qui est destiné à trancher la question des chars de type Leopard 2. Un équipement militaire qu’il estime indispensable à la défense de son pays et seul moyen, de son point vue, pour contrer les offensives russes qui se multiplient depuis le début de l’année.

Un Chancelier très (trop ?) prudent

Mais depuis plusieurs mois, le Chancelier Olaf Scholz est réticent et ne souhaite répondre aux attentes de Kiew qu’à la condition que la Américains livrent de leur côté les chars de type MI Abrams, une condition à laquelle le ministre des Armées américain Llyod Austin n’adhère pas sous prétexte que ces chars, abstraction faire de leur coût extrêmement élevé, nécessitent une formation spécifique et difficile sans compter une très forte consommation de carburants. Selon Llyod Austin, cela n’aurait aucun sens de livrer à l’Ukraine des armes qu’elle ne pourrait ni réparer, ni entretenir à long terme. Ces arguments sont toutefois battus en brèche, y compris par certains experts américains. Il en est ainsi de l’ancien commandant des forces terrestre américaines en Europe, Ben Hodges qui a déclaré au quotidien allemand FAZ (Frankfurter Allgemeine Zeitung) qu’il ne s’agissait là que « d’excuses et non d’une justification légitime de la politique. » La réticence du chef de gouvernement allemand à fournir à l’Ukraine les équipements dont elle a besoin s’explique par plusieurs raisons dont la non des moindres est son aversion à l’égard des décisions prises en urgence et sous la pression. Au cours des trois dernières décennies, l’Allemagne est de loin le pays qui a tiré le plus grand profit de la Perestroïka. Pendant cette longue période, l’Allemagne et ses plus grandes entreprises ont tissé des liens étroits avec la Russie. Entre 2010 et 2020, ces dernières ont investi plus de 220 milliards d’euros sur le sol russe, c’est peu par rapport aux investissements cumulés dans les pays de l’Union Européenne ou aux Etats-Unis mais c’est suffisant pour conditionner l’avenir de certains groupes.

Les Allemands favorables à la livraison des chars Leopard à l’Ukraine multiplient les initiatives pour faire pression sur le gouvernement, comme en témoigne cette affiche diffusée sur les réseaux sociaux.

Eviter le clivage de la société

Une autre raison qui justifie la prudence du Chancelier est peu évoquée par la presse mais réelle. En Allemagne, vivent de nombreuses et puissantes diasporas, dont la turque, la syrienne, l’albanaise et la serbe qui, non seulement n’ont aucun sentiment anti-russe mais se sentent proches des idées de Vladimir Poutine. Enfin dans l’ex-RDA prospère le parti d’extrême-droite AfD qui n’a jamais caché sa sympathie à l’égard du chef du Kremlin. En prenant ouvertement parti pour un camp ou pour l’autre, Olaf Scholz risquerait de provoquer un clivage au sein même de sa population mais aussi de sa propre formation politique. Clivage qui est déjà perceptible dans un récent sondage qui révèle que 46% des Allemands sont favorables à la livraison des Leopard mais qu’un nombre équivalent y est opposé. Mais il est aussi une question de la plupart des gouvernements occidentaux n’a pas élucidé, en l’occurrence celle de savoir si le soutien militaire militaire apporté à l’Ukraine va servir à récupérer les seuls territoires perdus depuis le 24 février 2022 ou s’il est destiné à reconquérir la Crimée. Dans le cas de cette seconde hypothèse, les besoins de l’Ukraine en matériels militaires seraient colossaux et difficiles à évaluer, par ailleurs le risque serait grand de voir le Kremlin réagir de manière encore plus brutale qu’il ne le fait à l’heure actuelle, ce qui ne serait dans l’intérêt ni du pays agressé, ni des Occidentaux. A l’heure où nous écrivons ces lignes, les ministres de la Défense décident du sort de l’Ukraine mais on peut d’ores et déjà considérer que ce n’est pas aujourd’hui qu’il sera définitivement scellé. kb & vjp

 

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