République Tchèque :  la jeunesse a enfin (!) sa voix

République Tchèque/Europe Centrale – Bien qu’il soit difficile de comparer deux époques et les personnalités qui les symbolisent, il est parfois des événements qui nous incitent à le faire. Ce phénomène du duplication de l’Histoire est fréquent dans les Républiques du centre de l’Europe où la défiance à l’égard de l’ultralibéralisme succède à la lutte contre le communisme. Dans ces deux situations, on y retrouve les mêmes acteurs c’est-à-dire des jeunes gens cultivés, férus d’Histoire, dotés d’un charisme  et d’une éloquence suffisants pour mobiliser les foules. Avant et après le Printemps de Prague, la figure la plus emblématique s’appelait Vaclav Havel,  aujourd’hui elle se nomme Mikulas Minar (notre photo) un étudiant en théologie et philosophie qui s’est fait un devoir de ne plus rester silencieux. Après avoir organisé des rassemblements spontanés dans la capitale, attirant un nombre croissant d’auditeurs,  il a pris son bâton de pèlerin pour en faire de même dans la République profonde, celle où on prend encore pour argent comptant les décisions d’un 1er ministre devenu milliardaire épisodiquement européen, c’est -à-dire lorsque les robinets bruxellois s’ouvrent à son avantage.

L’héritier de Vaclav Havel

« Nous vivons en démocratie » reconnaît le jeune Mikulas avant de poursuivre « mais elle n’est pas saine mais au contraire malade et menacée ». De son expérience en tant qu’ancien scout, sont nés un goût prononcé pour le dialogue et un sens affiné de l’organisation. Prendre des photos, se faire photographier, rédiger des tracts et veiller à ce qu’ils soient bien distribués, sont les missions quotidiennes que s’impose  ce rebelle qui met dans le même panier « les populistes et les oligarques qui travaillent en symbiose à la destruction des institutions démocratiques ». A chacun de ses déplacements en province, sa présence suscite applaudissements ou invectives, ce qui est le lot de tout futur leader qui n’arrive à ses fins que s’il parvient à un habile  compromis entre la haine et l’enthousiasme. Qu’une première personne lui tende ses bras, qu’une seconde lui fasse un doigt d’honneur, qu’une troisième le considère comme un messie, qu’une quatrième l’assimile à un imposteur ou « un objet de marketing », peu importe l’essentiel est qu’il ne passe pas inaperçu. Quoiqu’il arrive et quelles que soient les conditions dans lesquelles il est accueilli, Mikulas Minar ne baisse pas les bras car il sait que toute la jeune génération ou presque est à ses côtés. Il crie haut et fort que, de toutes parts, c’est-à-dire de la Russie à l’entourage du chef de gouvernement Andrej Babis,  on jette sur lui un « discrédit à la limite du complotisme » . Grâce à la création de  son collectif « Un million de moments pour la démocratie »  à l’origine des manifestations organisées à Prague,  Mikulas Minar est parvenu à fédérer des forces d’opposition plus ou moins actives dans les agglomérations mais quasiment inexistantes dans le reste du territoire. Pour sensibiliser l’ensemble de la population au rôle sous-estimé de la politique dans la société, il a pris l’initiative de fonder son propre parti,  Lidé PRO  (Les gens pour) qui n’est pas sans faire penser au Momentum hongrois, un mouvement foncièrement anti-Orban qui s’était  imposé après son combat réussi contre l’organisation des Jeux Olympiques à Budapest. Cette initiative de Mikulas Minar, aussi salutaire soit-elle, ne fait toutefois pas l’unanimité, y compris auprès de certains de ses proches qui l’estiment insuffisamment mûrie pour regrouper toutes les forces encore trop dispersées de l’opposition. Le problème auxquels sont confrontés tous ces partis foncièrement européens provient du fait qu’ils sont insuffisamment connus et promus sur l’ensemble du continent. Tous agissent de manière isolée sans aucune solidarité en provenance des jeunesses occidentales, lesquelles se réfugient dans une forme d’acceptation, de conformisme et de griserie. Or l’histoire prouve que l’Europe n’a été authentiquement démocratique que dans la courte période de l’entre deux-guerres où chacun pouvait circuler, s’exprimer et vivre librement de partout en Europe, cette période au cours de laquelle des intellectuels brillants à l’instar de Romain Rolland ou de Stefan Zweig  se battaient , hélas vainement, pour la constitution d’une « Internationale de l’Esprit » destinée à dénoncer « les opportunistes », que les dirigeants actuels sont tous devenus et les « hommes de conviction » que prétendent être ces mêmes dirigeants grâce à la crise sanitaire. ls (Version française : pg5i/vjp) – Nombre de mots : 710

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