Razzia chez les « Citoyens de l’Empire » : beaucoup de bruit pour presque rien

Les forces de l’ordre n’ont pas attendu la lumière du jour pour effectuer leurs perquisitions aux domiciles des membres du mouvement « Reichsbürger ». Le voile est en partie levé sur cette nébuleuse pour le moins hétéroclite.

Allemagne – Grâce à une commission d’enquête amenée à s’exprimer devant un groupe de parlementaires, on en sait désormais davantage sur le profil des conspirateurs qui ont tenté la semaine dernière de perpétrer un coup d’Etat (*). Les services de sécurité ont été surpris par le nombre important d’anciens soldats et policiers qui avaient apparemment l’intention de créer une nouvelle armée allemande . Selon le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) qui suit de près cette affaire, le chef militaire de cette armée serait un dénommé Rüdiger von P., un ancien parachutiste âgé de 69 ans, qui s’était permis, lorsqu’il était responsable de la compagnie aérienne à Calw (Bade-Wurtemberg), de voler des armes ayant appartenu à l’armée populaire de l’ex-RDA. Sur les 165 fusils dérobés, les enquêteurs n’en ont retrouvé qu’une dizaine, ce qui laisse supposer que les autres ont été dispersés en plusieurs lieux du pays. Von P. avait alors été condamné à une peine de prison et exclu de son corps d’armée. Un autre militaire, Peter W., membre du commando des forces spéciales (KSK) a été lui aussi placé en garde à vue. En avril dernier, son domicile avait déjà fait l’objet d’une perquisition au cours de laquelle les policiers avaient découvert la présence d’un pistolet et de munitions. Peter W. ayant justifié la présence de cet arsenal par les stages de survie qu’il organisait en Allemagne et en Norvège, il fut laissé en liberté mais placé sous haute surveillance. La police a découvert des documents qui laissent apparaître que le groupe de conspirateurs travaillait à la création d’un mouvement désigné sous l’appellation «Union Patriotique », au sommet de laquelle le Reichsführer, en l’occurrence Henri VIII (*), devait siéger. Selon les informations recueillies, cette union était dotée d’un conseil qui s’est réuni à plusieurs reprises dans la propriété du Führer, un château situé à Bad Lobenstein dans le land de Thuringe, pour y créer un premier gouvernement. Parmi les membres destinés à appartenir à cette équipe dirigeante devaient s’y trouver Birgit Malsack-Winkemann, juge et ancienne députée, à la justice, un avocat Tim Paul G. aux Affaires Etrangères, un ténor René R. à la Culture, Melanie R., médecin, à la Santé et Ruth L., une astrologue à la « Transcommunication », un poste ministériel dont on apprendra peut-être un jour à quoi il aurait pu servir.

Arrêter et exécuter les opposants !

En ce qui concerne le coup d’Etat en lui-même, il était envisagé avec l’intervention de 286 compagnies de « protection du territoire » dont les membres auraient été autorisés à « arrêter et exécuter » les opposants au nouveau régime. Comme l’a rapporté Clara Bünger, députée du groupe Die Linke au Parlement, il était question de pénétrer dans le bâtiment du Bundestag, redevenu Reichstag, d’arrêter les députés, de les emmener menottés pour, par la suite, les juger pour leurs actions pendant la pandémie. Les têtes pensantes de cette « Union patriotique » avaient envisagé des plans pour frapper le Bundestag en mars ou en septembre, mais estimant leurs préparatifs insuffisants, ils y auraient renoncé. Seraient-ils parvenus à leur fin quelques mois plus tard comme le laisse supposer le série de perquisitions effectuées la semaine dernière ? C’est peu probable car aucune action immédiate et de grande ampleur n’était au point. Selon un député qui a participé à la réunion de la commission des affaires intérieures, le bras militaire des conspirateurs était plutôt « un petit bras » car seules huit personnes pouvaient être qualifiées d’acteurs militaires. Par ailleurs, il s’est avéré que le nombre de compagnies opérationnelles ne s’élevait qu’à deux, maximum trois. Dans ces conditions, il aurait été impossible pour les conspirateurs de s’introduire avec violence dans le Bundestag et c’est la raison pour laquelle le juge d’instruction n’a pas souhaité fonder les mandats d’arrêt sur les projets d’invasion du Parlement.

Unions Patriotique et Européenne : deux poids, deux mesures !

Compte tenu de l’importance de la razzia avec ses 3.000 policiers mobilisés dans onze länder et l’écho médiatique qui s’en est suivi, ont pouvait s’attendre à des découvertes d’une plus grande ampleur. Certes 90 armes ont été saisies mais il s’agit pour la plupart d’ armes de poing, de couteaux, de poignards, d’arbalètes et de fusils de chasse. Aucune arme semi-automatique, indispensable lors d’un putsch n’a été trouvée. Les autorités supposent qu’il existe d’autres dépôts d’armes et de munitions mais il faudra attendre le résultat final des enquêtes en cours pour en avoir la confirmation. Il en va de même du « trésor de guerre » des conspirateurs, qui est presque ridicule par rapport à la rente que s’est constituée la vice-présidente du Parlement Européen. Lors de la razzia, 190.000 euros ont été saisis ainsi que quelques objets précieux, ce qui représente un total estimé à 400.000 euros. Les autorités fédérales n’ont par ailleurs pas trouvé de grand donateur, ce qui signifie que cette « Union patriotique » ne peut pas s’appuyer, pour reprendre l’expression d’un député cité par FAZ,  sur un « magnat de la finance », ce qui devrait suffire pour rendre son avenir incertain. Pour réaliser son rêve d’Empire, il ne reste peut-être à Henri VIII qu’une seule issue : aller frapper à la porte du Quatar ! kb & vjp

(*) Cf. notre article en date du 13.12.2022

 

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