Pendant la crise, les vautours agissent pour se goinfrer intelligemment

UE/USA/Monde – Les géants de la Big Tech doivent croiser les doigts et prier Dieu pour que les dirigeants des pays développés continuent à confiner les populations ou plus exactement les consommateurs. Jamais leurs chiffres d’affaires n’ont connu une croissance aussi élevée que celle enregistrée depuis le début de la crise. Alors que toutes les professions, sans exception, sont frappées par la crise sanitaire, y compris celles qui faisaient vivre jusqu’alors les classes moyennes, principal moteur de l’économie, les GAFAM poursuivent de la manière souvent la plus cynique mais aussi intelligente  qui soit, leur ascension. Le chiffre d’affaire d’Amazon a augmenté de 33,5% au cours du premier semestre de l’année en cours et ceux  de Facebook, Google et Microsoft ont également enregistré  une croissance à deux chiffres avec, respectivement,  26,9%, 18% et 15,3%. Apple, qui,  en 2019, avait accusé un léger recul de 2,4% a récupéré son retard en générant au 1er semestre un chiffre d’affaires en hausse de 5,5%. Il est évident que les mesures de distanciation sociale,  les incitations à rester isolé chez soi voire les interdictions de se regrouper ou de se déplacer, sont autant de pains bénis pour ces géants de la haute technologie numérique qui s’infiltrent dans tous les secteurs, y compris celui de la culture. La Chambre des Représentants commence aux Etats-Unis à s’inquiéter de leur  pouvoir monopolistique et envisage une forme de démantèlement. Mais cela se produirait-il qu’il ne faudrait pas s’attendre à des répercussions notoires et positives dans les autres territoires et continents où ils agissent. Ils ont, en effet,  atteint de tels sommets en termes de chiffre d’affaires et de capitalisation boursière que la moindre de leurs filiales serait encore et toujours une menace pour les concurrents locaux. Entre le 1er et le 6 octobre derniers, les GAFAM ont atteint une valeur boursière de 6,8 billions de dollars US , soit 3,4 fois plus que les trente sociétés allemandes inscrites au DAX.

« Parier contre l’avenir »

Parmi les groupes listés sur le pendant allemand du CAC 40, se trouvent les groupes automobiles dont dépend l’économie toute entière de la République Fédérale car ils maintiennent en vie des milliers de sous-traitants générateurs de millions d’emplois. Or, aussi singulier que cela puisse paraître, depuis plusieurs années ces groupes cautionnent une politique de développement industriel que Don Dahlmann, reconnu outre-Rhin comme un des meilleurs observateurs de l’industrie de la mobilité, n’hésite pas à qualifier de « stupides ». Selon lui, les constructeurs automobiles allemands mais aussi la plupart des européens, sont en train de rater la transition au numérique.  Dans une chronique publiée la semaine dernière sur le site « Gründerszene », il énumère les trois stratégies les « plus stupides des fabricants automobiles » qui se contentent de faire ce qu’ils maîtrisaient autrefois, en l’occurrence la fabrication de voitures, dans un contexte complètement chamboulé qui les fait parier contre l’avenir.  «  Avec la numérisation, le passage à l’électro-mobilité et la baisse des chiffres de vente, l’industrie automobile allemande connaît le plus grand bouleversement de son histoire » écrit-il avant de poursuivre « alors que les ventes continuent de baisser, de nouveaux concurrents rejoignent l’industrie et reprennent leurs activités . Avec Waymo, Google étend ses services de conduite autonome. Amazon vient d’introduire ses propres camionnettes de livraison par l’intermédiaire de sa société Rivian, et de nombreuses métropoles européennes voudraient interdire complètement la voiture dans leurs centres-villes. » Le chroniqueur accuse les constructeurs automobiles de n’avoir pas su écouter le signaux d’alerte au réchauffement climatique lancés il y a déjà plus de vingt ans. En l’espace d’une génération,  « l’industrie automobile n’a pas apporté un grand soutien dans ce domaine. Au contraire ,  à chaque nouvelle réduction, elle  a essayé de l’atténuer par le biais du lobbying. » Il était clair que les moteurs à essence n’atteindraient jamais les niveaux de CO2 requis mais « au lieu de promouvoir très tôt les moteurs hybrides et électriques, les fabricants ont continué à s’appuyer sur une technologie diesel dépassée à faible consommation de carburant et d’émission de CO2 mais  cela n’a pas été suffisant et  plusieurs constructeurs automobiles ont même trompé les autorités et leurs clients en ne mettant en marche le système de purification des gaz d’échappement que sur le banc d’essai. »

La privation d’un futur marché

Plutôt que d’innover, les grandes marques automobiles ont préféré « reconditionner leurs anciennes technologies ». Alors  que le gouvernement allemand avait promu la technologie de l’hydrogène et des piles à combustible, les constructeurs automobiles allemands sont aujourd’hui dans l’incapacité de résister à la concurrence de la Corée et du Japon dans ce domaine qui a été « si durablement dilapidé qu’il est désormais impossible de commencer à suivre la concurrence de la Corée et du Japon. ». Mais les erreurs et manquements dans le domaine technologique ne sont que la partie visible de l’iceberg car les constructeurs automobiles allemands ne parviennent pas à amorcer ce que les Américains exploitent déjà, en l’occurrence la mise en commun de leur  stratégie numérique. Alors que Tesla, Ford et General Motors fusionnent leurs services, BMW et Daimler Benz font le chemin inverse et s’apprêtent à vendre leur société commune « You Now » . Les fabricants allemands n’ont pas encore pris conscience du tournant que prend la mobilité qui devra être possible « 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, même si vous n’avez pas de voiture ou si votre véhicule n’est pas à proximité ». A ces nouvelles et futures exigences du client Google y a répondu par « une attaque majeure contre la mobilité urbaine avec ses services de conduite autonome . » Et Don Dahlmann de poser la question :  «  S’il vous est moins cher de commander un service de conduite qui est toujours disponible, pourquoi devriez-vous quand même posséder une voiture ? » Si les constructeurs allemands ne parviennent pas à répondre à cette interrogation, «  ils se priveront d’un futur marché ».

Le ministre français en charge et de l’économie, et des finances a fait de la taxation des GAFAM sa tasse de thé, dont le goût risque d’être amer

Des dirigeants irréalistes et naïfs

Les dirigeants européens au premier rang desquels le ministre français de l’économie et des finances, Bruno le Maire,  se font un devoir, au nom d’une justice fiscale, de réclamer des comptes aux GAFAM, sans mesurer le poids de leurs propres erreurs. Si Tesla, Google, Microsoft, Apple et consorts mobilisent les actionnaires c’est parce qu’ils ont une vision du futur alors que les groupes européens se reposent sur un modèle commercial dépassé. « Ils offrent simplement ce qu’ils ont l’habitude de faire en l’enrichissant avec un peu de technologie » renchérit D.Dahlmann qui en rajoute une couche en écrivant « la peur de l’avenir sort des pores de chaque fabricant et il n’y a pas d’argent à en tirer. S’ils étaient aussi innovants que les grandes entreprises numériques, s’ils remettaient eux-mêmes en question leur modèle économique, s’ils offraient aux investisseurs de nouvelles opportunités et de nouveaux horizons, alors les actionnaires et les fonds spéculatifs seraient également prêts à investir sur le long terme au lieu de demander des rendements mensuels. Mais parce que les constructeurs automobiles restent dans la crainte, parce qu’ils restreignent leur modèle d’entreprise au lieu de l’étendre, les investisseurs sont prudents et se concentrent sur la prise de bénéfices à court terme motivés uniquement par les ventes. » Ce constat, il n’est pas propre au seul secteur de l’industrie automobile. Il est pratiquement le même dans   toutes les branches économiques et s’exacerbe en cette période de crise qui nous oblige à nous replier sur nous-mêmes alors qu’elle nous offrait l’opportunité de nous remettre fondamentalement en question. vjp (Nombre de mots : 1.254)

 

 

 

 

 

 

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