Pandémie et cirque médiatique

Allemagne/Royaume-Uni/France/UE – Face au sentiment de malaise et d’impuissance qui frappe actuellement nos sociétés, face au désarroi de dirigeants qui, où que ce soit, sont dans l’incapacité d’harmoniser leur lutte contre le virus, face aux politiques contradictoires, incohérentes et de fait incompréhensibles menées par des personnes songeant davantage à leur carrière qu’à l’intérêt général, face à l’interprétation douteuse de statistiques autorisant à mettre sur le même pied d’égalité une minorité de personnes déjà gravement malades avec une majorité qui ne le sera probablement jamais et face à cette généralisation inédite de la déprime et de la confusion, il est difficile pour des journalistes censés redonner espoir d’y retrouver leur latin.
Des ronds-points plutôt que des médecins
A quoi bon divulguer une information au petit matin, s’il faut la démentir trois heures plus tard  ? Depuis plus d’un an, on assiste en live  à un cirque médiatique de grande ampleur. Tout a commencé avec la pénurie de  gels hydro-alcooliques et de masques qui a prouvé que les pays les plus riches étaient dans l’incapacité de faire coudre à grande échelle des morceaux de tissus ou de fabriquer un produit hygiénique de base. S’en est suivie une campagne de tests dont on s’est rapidement aperçu qu’elle était à double-tranchant. On s’aperçoit en effet que les données concernant les personnes positives, hospitalisées ou décédées peuvent être aisément détournées. Dans certains pays, à l’instar de la Hongrie, des établissements hospitaliers ont demandé aux proches de personnes disparues d’imputer le décès au coronavirus afin qu’ils puissent se voir dotés d’aides qui leur faisaient déjà défaut avant la crise sanitaire. Que les structures sanitaires aient profité de la pandémie pour faire entendre leur voix et revendiquer une meilleure reconnaissance de leur rôle dans la société est un réflexe tout à fait légitime  mais dans ce genre de situation, ce qu’attendent les populations de leurs dirigeants est un minimum de vérité et d’autocritique.  Si, au cours des trente dernières années, les deniers publics avaient été davantage alloués à la santé plutôt qu’à des projets non prioritaires, si on avait construit des unités de soins de proximité plutôt que de fermer des hôpitaux, il aurait été alors beaucoup plus facile de lutter contre la pandémie. Si on prend l’exemple de la France et analyse l’évolution démographique de certains départements, on s’aperçoit que plus la population augmente, plus le nombre de médecins généralistes diminue . C’est le cas notamment de l’Eure et Loir, de l’Oise et du Loiret qui ont vu le nombre de leurs médecins de proximité chuter respectivement de 25,60% , 20,55% et de 19,40% entre 2010 et 2020. Selon l’Atlas de la Démographie Médicale, sur les cent départements de France métropolitaine, vingt-huit ont connu au cours de cette même décennie une chute du nombre de médecins généralistes de plus de 15% dont quatorze de plus de 20%. Seuls neuf ont vu leur nombre augmenter. Dans ces conditions, il est par conséquent impossible de gérer rationnellement une crise sanitaire. Les déserts médicaux contribuent à l’inégalité des soins tout en rendant plus difficile l’éradication et la maîtrise d’une épidémie. Personne d’autre qu’un médecin généraliste est mieux placé pour savoir qui est vulnérable et qui ne l’est pas et ce, quel que soit l’âge de son patient. Depuis des années, on entend des maires s’indigner de voir le cabinet médical implanté dans leurs communes disparaître faute de repreneurs mais ce sont ces mêmes maires qui mobilisent de cent à trois cent mille euros pour financer un rond-point à l’entrée de leur village. Depuis le début de cette crise sanitaire on nous assène de données chiffrées et de statistiques destinées à nous faire accepter des mesures qui n’auraient jamais été nécessaires si les édiles avaient été compétentes et visionnaires. On fait payer aujourd’hui aux populations touchées par le covid, les erreurs commises hier par une technocratie incompétente dont les tentacules ont franchi les frontières. Et aussi surprenant que cela puisse paraître, l’Allemagne, cette République disciplinée et organisée, n’échappe pas à la règle. Il y a un an, la RFA était présentée comme un exemple mais aujourd’hui on s’aperçoit que son gouvernement est dans l’incapacité de lutter efficacement contre la pandémie.
L’avant et l’après Merkel
Markus Söder : le candidat CSU semble le mieux placé pour succéder à Angela Merkel. Il recueille 54% d’opinions favorables sur l’ensemble de la population et 79% chez les adhérents et sympathisants CDU/CSU.   
Armin Laschet , candidat CDU à la Chancellerie :  selon le dernier sondage de la chaîne publique ARD, seuls 19% des Allemands l’estiment capable de gouverner la RFA.
Dans son dernier rapport, le Fond Monétaire International (FMI)  a tiré le signal d’alarme en précisant que la façon dont opère actuellement l’équipe d’Angela Merkel, risque d’avoir des conséquences dramatiques sur l’économie du pays mais aussi celle de ses voisins. Plutôt que de s’engager sur des réformes structurelles en faveur de la reprise, le gouvernement perd actuellement son temps à l’adoption d’une loi destinée à légitimer le couvre-feu, une mesure qui, non seulement ne fait pas l’unanimité, comme le souhaiterait la Chancelière, mais suscite de vives critiques. Le confinement dur, XXL comme le décrivent certains observateurs,  avait déjà eu du mal à passer dans un pays où les moindres atteintes à la liberté sont considérées comme une dangereuse entorse à la démocratie. Le couvre-feu évoque pour les Allemands les pires moments de leur Histoire et même s’ils ne les ont pas vécus, les bombardements de la seconde guerre mondiale sont encore ancrés dans la mémoire collective, notamment dans les villes de l’ex-RDA où des métropoles à l’instar de Dresde ou Leipzig cherchent encore aujourd’hui à retrouver leur lustre d’antan. Même s’il passe en force au Bundestag, le couvre-feu ne sera jamais accepté par les Allemands qui estiment, à une forte majorité, qu’il est inopérant. Prévue entre 21 heures et 5 heures du matin, cette mesure draconienne n’aura aucune valeur sur le plan épidémiologique parce qu’elle ne concernera qu’à peine 10% des mouvements de population constatés dans la journée. Elle risque par ailleurs de reporter à d’autres moments les nécessités  de mobilité et de provoquer  des conglomérats en certains lieux publics, dont les métros, les gares ferroviaires et routières. Les personnes vivant à proximité des tels équipements et craignant de voir leur quartier inscrit en zone rouge hésiteront à se faire tester. Le couvre-feu pourrait avoir des effets contreproductifs et contribuer à générer des inégalités de traitement entre régions limitrophes. Actuellement, en pleine période préélectorale, le gouvernement de coalition réunit deux partis historiques, l’Union Chrétienne Démocrate (CDU) et le Parti Social Démocrate (SPD) qui, tous deux, perdent adhérents et sympathisants. Entre une formation traditionnellement libérale et conservatrice qui se gauchise et un parti de gauche, contraint de pactiser avec la droite, ces déserteurs ne s’y retrouvent plus et contribuent à un éparpillement des voix. Alors que le parti libéral (FDP) et d’extrême droite AFD (Alternative für Deutschland) stagnent, les Verts et le parti d’extrême-gauche Die Linke améliorent leurs scores de scrutin en scrutin.  En septembre prochain, le Bundestag ne sera plus ce qu’il est aujourd’hui et sera constitué de cinq forces dont deux d’appoint, ce qui rend une coalition à trois crédible et donnerait au gouvernement une couleur arc-en-ciel incompatible avec une gestion sereine des dossiers les plus sensibles dont l’immigration et les politiques internationale, énergétique et climatique. Angela Merkel est-elle victime de l’usure du pouvoir ? Ils sont de plus en plus nombreux à le penser, y compris dans ses propres rangs où des voix s’élèvent pour remettre en cause non seulement sa stratégie de lutte contre la pandémie mais sa gestion gouvernementale dans son ensemble. Il est reproché à la Chancelière de n’avoir pas su préparer sa succession.   Depuis trois ans la CDU cherche à la remplacer sans y parvenir. Les Allemands ont vécu en 2018, l’épisode Annegret Kramp-Karrenbauer qui, après avoir été élue à la tête du parti, avait toutes les chances de devenir la seconde chancelière de la République Fédérale mais certaines prises de position d’AKK sur l’immigration et les quotas de femmes dans les entreprises ont mis à mal ses capacités à gérer le pays. Qu’il soit chrétien-démocrate ou social-démocrate, qui échoue à la tête de son parti n’a plus aucune chance d’accéder à la Chancellerie. Mais ce qui distingue Angela Merkel de tous ses prédécesseurs, est sa distance à l’égard de monde économique. La Chancelière ne négocie pas avec les entreprises, elle les met devant le fait accompli. Si Helmut Kohl et Gerhard Schröder ont réussi les réformes emblématiques engagées sous leurs mandats, la réunification pour le premier, la réforme du code du travail pour le second, c’est parce qu’ils s’étaient appuyés sur un partenariat étroit avec le patronat. L’accueil massif de réfugiés, l’arrêt du nucléaire, la lutte contre le réchauffement climatique  et aujourd’hui l’éradication de la pandémie,  tous ces dossiers sensibles sont traités en creusant le fossé entre la politique et l’économie. Les  éditorialistes jusqu’à présent les plus conciliants à l’égard de la politique gouvernementale n’hésitent plus à tirer à boulets rouges sur la Chancelière et au cours de la semaine dernière,  il ne s’est écoulé de jour sans qu’un rédacteur en chef ou un responsable de rubrique du quotidien « Die Welt » n’assène de critiques l’équipe gouvernementale. « Mme Merkel garde les représentants des entreprises à distance, même en période de corona, et préfère faire confiance aux hommes politiques et aux fonctionnaires. Ce que la CDU et la CSU font actuellement est une tragédie bourgeoise, presque insupportable à regarder » écrit l’un d’entre aux, dénonçant la lutte que se livrent les présidents des deux partis, Armin Laschet et Markus Söder, pour accéder à la Chancellerie, deux hommes qui « ont manifestement perdu tout sens de l’humeur du pays ». Et Nando Sommerfeldt, chef de la rubrique « économie » du quotidien,  de jeter un œil sur ce qui se passe en Grande-Bretagne, un pays qui, lui, est capable de gérer une crise. « Le Royaume-Uni a su créer les conditions qui vont lui permettre de traverser les mauvaises périodes le mieux possible. Les Britanniques sont mieux lotis que nous à long terme en matière de vaccination. Le pays est bien préparé  aux très probables revaccinations annuelles dues aux mutations du virus. Quatre vaccins actuels et futurs sont fabriqués sur l’île. Si on ajoute à cela une bonne organisation des vaccinations, l’avance du Royaume-Uni est probablement beaucoup plus grande et durable que ce que beaucoup s’imaginent aujourd’hui ». Du résultat des élections au Bundestag dépend l’avenir d’un parti qui depuis sa création a toujours été un facteur de stabilité politique. Jamais au cours de ses 72 années d’existence, il n’a été face à un tel défi, celui qui consiste à trouver un chef suffisamment charismatique pour accéder à la Chancellerie. Qu’il y ait un avant et après covid est devenu une évidence comme il ne fait déjà aucun doute qu’il y aura un avant et un après Merkel. vjp
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