Liberté de la presse : la France toujours mal placée

France/UE – Il en va des rapports annuels de « Reporters sans frontière » comme de ceux des Cours des Comptes, ils permettent de constater des faits et des entraves mais contribuent rarement à faire bouger les choses. Lorsqu’un pays gagne une ou deux places sur le classement, ce n’est généralement pas parce que les choses se sont améliorées mais plutôt parce qu’elles ont empiré dans d’autres pays. On gagne non pas lorsqu’on fait mieux mais lorsque les autres font moins bien.

Depuis 2002, le bilan de RsF ne montre pas de grands bouleversements d’une année sur l’autre et force est de constater que l’évolution de la presse suit celle des sociétés. Les pays historiquement démocratiques, ceux dans lesquels la liberté d’expression est ancrée dans l’ADN des populations, sont ceux qui prennent le tête du classement. Parmi les dix premiers ont retrouve systématiquement les quatre pays scandinaves, la Norvège (1ère), la Finlande (2ième), la Suède (3è) et le Danemark (5ième). Dans le peloton de tête, les dix premiers,  on ne trouve que deux autres membres  de l’Union Européenne , les Pays-Bas (4ième) et la Belgique (9ième). Le pays où siège les administrations de l’UE fait moins bien que la Nouvelle-Zélande (7ième),  la Jamaïque (8ième) et, ce qui est moins surprenant, la Suisse (6ième). Quant aux moteurs de l’Europe que sont l’Allemagne et la France , le moins qu’on puisse dire est qu’il est préférable de ne pas s’essayer à quelques comparaisons. Alors que la République Fédérale se positionne à la 13ième place, l’Hexagone caracole à la 32ième, devant la Slovénie (34ième) ,  la Slovaquie (35ième) , la République Tchèque (40ième) et la Roumanie (47ième)  mais derrière l’Autriche (16ième), la Lettonie (24ième) , Chypre (28ième) , l’Espagne (29ième) et la Lituanie (30ième). Quelle tristesse que de voir le pays des Lumières aussi mal placé sur l’échelle de la liberté de la presse !

Aucun « effet Macron »

Malgré les violences générées par les « gilets jaunes », il est parvenu à gagner une place  par rapport à 2018 mais demeure une des lanternes rouges au sein de l’Union Européenne au même titre que l’Italie (43ième). Ce dernier classement prouve qu’il n’y a eu aucun « effet Macron », ce qui tend à signifier que le jeunisme en politique n’est pas une garantie d’une réelle liberté d’expression. Les journalistes allemands qui se réjouiraient de voir leur pays mieux placé, ne s’étonnent pas de la mauvaise posture de leurs homologues français car depuis plus de trente ans ils voient les médias français prendre la mauvaise direction et ce, en ouvrant leur capital à des conglomérats qui n’ont pas été créé pour mettre leur nez dans le monde de la communication.  La France est mal placée parce que sa presse est mal financée et dépendante de deux blocs, l’Etat d’une part et le grand capital d’autre part. Comme il y a connivence entre les deux, le résultat ne peut être que préjudiciable à la liberté de pensée. Reporters dans Frontière ne se penche que sur les supports dont l’audience est nationale. L’association aurait-elle les moyens d’élargir son champs d’action à la presse locale et régionale,  ce n’est pas à la 32ème place que se retrouverait la France mais probablement au-delà de la 100ième. Il n’est en effet de pays en Europe où la presse régionale, en réalité la plus lue, est aussi insipide qu’elle  l’est en France. Dans aucun pays les journalistes  ne prennent autant de plaisir à flatter l’égocentrisme des élus locaux et des quelques personnalités agissant sur le terroir. Les procès ne sont couverts et les jugements commentés que lorsqu’y sont impliquées des populations étrangères ou vivant en dehors des normes établies. Jamais n’est publié une article critique à l’égard des orientations prises par les édiles. C’est le pays du « tout le monde, il est beau, tout le monde il est gentil ! ». Jusque dans les années 80, lorsque la presse régionale était encore entre les mains d’hommes de presse, dont beaucoup avaient résisté à l’ennemi et à la censure, les journaux régionaux ouvraient leurs colonnes à des écrivains ou des historiens d’envergure nationale voire internationale qui signaient des tribunes ou des éditoriaux cités le matin sur les radios.  Cette époque, où l’analyse et le recul primaient sur le sensationnel et le superficiel, l’objectivité avait raison de la démagogie. Les entraves à la liberté de la presse que dénoncé Reporters sans Frontière mais à l’instar de Transparency International, elles ne sont que la face visible de l’iceberg. Si la presse va mal, ce n’est pas seulement parce que quelques journalistes ne sont pas autorisés à s’exprimer, c’est parce que la plupart des rédacteurs sont contraints de s’autocensurer. Et le pire provient du fait qu’ils sont de plus en plus nombreux à l’accepter. vjp

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