Les vieux et les très vieux d’abord 

Campagne de vaccination contre la poliomyélite dans les années 1960. Le poliovirus n’a toujours pas été totalement éradiqué.

France – Lorsque nous avons  eu connaissance  que quinze départements allaient être  soumis à un couvre-feu à partir de 18 heures, l’idée nous est naturellement venue, en tant que journalistes, de nous enquérir du nombre de lits en réanimation disponibles dans les territoires concernés. Quelle n’a pas été notre surprise de constater que le tiers n’en disposait même pas de dix. Il est donc fort probable  que les pouvoirs publics aient  décrété le couvre-feu non pas à partir  du nombre de personnes contaminées mais plutôt en fonction de  la réalité du terrain caractérisée par un sous-équipement de ces départements sur le plan sanitaire.  Dans les Hautes-Alpes, les Alpes-Maritimes, les Ardennes, le Doubs, le Jura, la Marne, la Haute-Marne, la Meurthe-et-Moselle, la Meuse, la Moselle, la Nièvre, la Haute-Saône, la Saône et Loire, les Vosges et la Territoire de Belfort, vivent 6.445..238 personnes, dont respectivement 18,8% (1.212.626 personnes) et 10,8% (695.092 personnes) sont âgées de 60 à 74 ans et de 75 ans et plus, ce qui signifie que nos « aînés »,  pour reprendre une expression devenue à la mode,  représentent 28,59% de la population totale. Or, selon les données de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), il n’est mis à leur disposition que 397 lits publics de réanimation, soit un pour 16.235 personnes vulnérables ou 23,2%  de moins que la moyenne nationale.

Charles Nicolle a découvert l’origine de la transmission du typhus, en l’occurrence les poux qui firent, déjà, des pauvres les plus touchés !

Le coronavirus, un virus comme les autres

Force est de constater que depuis le début de cette crise sanitaire, son évolution est sujette à des interprétations et des commentaires qui nous laissent souvent dubitatifs. Le premier malentendu est né de l’assertion selon laquelle la pandémie serait inédite alors que tous les ouvrages consacrés à l’histoire de la médecine prouvent que toutes les épidémies, sans exception, ont connu la même évolution. Toutes ont été sujettes à des interrogations quant à leur origine. Pour le typhus, les poux en étaient la source, pour la peste, les rats, la malaria, les moustiques.  Charles Nicolle, ancien président de l’Institut Pasteur de Tunis et lauréat en 1928 du Prix Nobel de Médecine a toujours été convaincu que le monde allait devoir faire face à  l’apparition de nouvelles maladies infectieuses. En 1933, soit plus de dix ans après les ravages causés par la grippe espagnole et au moment même où la tuberculose frappait tous les continents, le savant réitérait ses convictions et l’avenir lui a donné raison avec la poliomyélite et naturellement le Sida qui, à l’instar de coronavirus avec le personnes âgées, touchaient prioritairement certains couches de la société, les enfants et jeunes adolescents pour la première, les personnes vivant dans le « péché » et l’interdit pour le second. La question que tout le monde se pose actuellement sans oser la formuler à voix haute est celle à savoir, ce qui se passerait si le Covid 19 au lieu de viser  des personnes en fin de vie, ciblait des écoliers, des lycéens, des apprentis et des étudiants ? Si les dirigeants mais aussi les scientifiques de l’époque  n’ont jamais pris le risque de priver les parents et grands-parents de tout travail ou de toute vie sociale pour protéger les victimes réelles et potentielles, c’est parce qu’ils savaient qu’en opérant de la sorte ils allaient généraliser un climat d’anxiété dommageable à tous.

De l’argent pour les ronds-points !

Ce qui est inédit, à l’heure actuelle, est le comportement de ceux qui tiennent les rênes du pouvoir. Tout se passe comme s’ils découvraient le monde dans lequel ils vivent et qu’ils ont eux-mêmes façonné. Fallait-il attendre le coronavirus pour prendre conscience que les « vieux » sont de plus en  plus vulnérables et isolés et qu’il n’était pas utile de les confiner étant donné qu’ils le sont déjà, dès qu’ils franchissent, encore debout, le seuil d’un Ephad avant d’en faire de même, contraints car allongés, avec celui d’un hôpital. Il suffit de se rendre une fois dans une maison de retraite accueillant des personnes en fin de parcours, pour prendre conscience de la cruauté de la vie. On ne saurait trop conseiller à ceux qui nous gouvernent de lire le cruel et réaliste ouvrage de Franz Bartelt, dédié à sa mère « Depuis qu’elle est morte, elle va beaucoup mieux » , dans lequel il décrit avec des mots simples et touchants, le calvaire qu’il a subi en voyant sa mère déclinant sous les feux de la maladie d’Alzheimer (*) . L’auteur de cet article a été d’autant plus sensible à ce témoignage qu’il a connu la même expérience avec son  père qui a survécu pendant plus de dix-huit mois dans un hôpital psychiatrique, pieds et mains liés sur son lit avant que ne lui soit trouvé un établissement adapté à sa pathologie. Cela se passait dans les années 2000, à une époque où les élus locaux préféraient dilapider des fonds à construire des ronds-points dans leur commune plutôt que de les dédier au bien-être de leurs anciens administrés. Cet apitoiement sur les « aînés » qui deviennent des objets publicitaires au profit des campagnes de vaccination devient peu à peu insupportable. Autant les vaccinations dans les années 1960 contre la poliomyélite étaient porteuses d’espoir et de soulagement, autant celles médiatisées aujourd’hui se révèlent de plus en plus malsaines ne serait-ce que par cette chasse au plus vieux ou à la plus vieille, une lady de 90 ballets au Royaume-Uni, un plus que centenaire de 104 ans en Allemagne ! A ce rythme, il n’est pas exclu que la France, pays d’exception, décide d’exhumer Jeanne Calment pour tenter une résurrection.  Faire davantage de publicité à un vieillard qui se laisse vacciner qu’à un étudiant qui s’immole après la saisie de son minimum pour vivre, relève de l’indécence et du cynisme. vjp

(*) Cet ouvrage peut être commandé auprès des Editions du Sonneur.  Un extrait est disponible en téléchargement gratuit sur #www.editionsdusonneur.com . Le passage sur les aides-soignantes dont on s’est aperçu à cause (ou grâce au) du coronavirus qu’elles existaient, est tellement éloquent que nous n’avons pas résisté à l’idée de la reproduire ci-après :

« Des jeunes femmes, salariées et bien contentes de l’être, font ce qu’elles peuvent, torchent, rappellent à l’ordre, s’entraînent à rire, de sorte que ce couloir de la mort n’ait pas déjà des allures de cimetière. Ici, on vit encore. Peu. Pas. Ce n’est pas vivre. Quand la respiration s’amenuise, que les os deviennent sensibles comme des plaies, on vous charge sur une civière. Direction la grande ville, à l’hôpital, on y meurt mieux qu’ailleurs. Les jeunes femmes organisent la joie de ce départ, c’est leur métier. « Dans une semaine, Madame, vous reviendrez nous voir ! Quand vous serez bien soignée ! Quand tout ira bien ! Même pas une semaine ! Vous avez déjà meilleure mine ! » Pieuses paroles. Personne ne reverra plus la vieille personne. D’autres gens la pleureront peut-être, s’il lui reste des héritiers, un fils pas trop mauvais, une cousine un peu plus jeune, des voisins qui savent presque tout et qui sont comme de la famille. »

 

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