Les Ukrainiens, des réfugiés d’un jour

Ukraine/Canada/UE – Parmi les médias qui traitent le mieux le conflit entre l’Ukraine et la Fédération de Russie, le quotidien québécois « Le devoir » occupe une place particulière car c’est avec le Canada qu’historiquement l’Ukraine entretient les meilleures relations. Dès la fin du 19ième mais aussi par le suite sous Staline, le Canada a toujours ouvert grand ses portes aux Ukrainiens qui s’y sont toujours sentis à l’aise d’une part parce qu’ils étaient respectés, d’autre part parce qu’ils ont pu assimiler le sol et le climat aux leurs, ce qui leur a permis de jouer un rôle de premier plan dans le secteur agricole. L’espace dont ils ont pu disposer leur a permis de s’organiser en communautés et associations dans ce nouveau pays où ils représentent 4% de la population. Dès le début du conflit, en février dernier, le Canada et plus particulièrement le Québec, ont immédiatement manifesté leur solidarité avec le peuple ukrainien et les autorités ont annoncé que tout serait mis en œuvre pour accueillir des réfugiés ukrainiens et qu’aucun bâton ne serait dressé sur leur route pour entraver leur intégration. Qu’une minorité de candidats potentiels à l’émigration soient tentés de franchir l’Atlantique pour s’y reconstruire une nouvelle vie est donc fort possible mais en revanche, il est peu probable que les Ukrainiens aillent tenter leur chance de manière durable sur d’autres territoires. En effet, les correspondants du « Devoir » sur place, ont constaté qu’un nombre croissant d’Ukrainiens, nouvellement installés en Pologne, font le choix de repartir chez eux. S’ils ne se sentent pas bien chez leur voisin polonais, dont les traditions sont pourtant proches des leurs, ce n’est pas parce qu’ils y ont été mal accueillis par les habitants, mais parce qu’ils sont victimes d’un système devenu capitaliste et qui fait que les loyers sont souvent hors de prix et qu’il est impossible, pour une personne ne parlant pas la langue du pays d’accueil de s’y intégrer. A ces deux handicaps, s’en greffe un troisième et non des moindres puisqu’il concerne l’attachement indéfectible des Ukrainiens à leur famille et en ce qui concerne les Ukrainiennes,  à leurs époux.

La wyschywanka, cet habit traditionnel ukrainien mais aussi biélorusse, fait partie du patrimoine autant social que culturel des deux pays. Femmes, hommes et enfants de tous âges la portent, symbolisant ainsi l’attachement à la famille.

La sacralisation de la famille

Selon « Le Devoir » qui cite Dominika Pszczolkowska, politologue et membre du Centre de Recherche sur la Migration à l’Université de Varsovie « dans les dernières semaines d’avril et en début de ce mois de mai, de 16.000 à 21.000 ont franchi la frontière de la Pologne à l’Ukraine. Certains jours, il y a même davantage de personnes qui arrivent en Ukraine que l’inverse. » Cette vague inversée s’explique par le fait que les combats se concentrent sur l’est et le sud du pays. Par ailleurs, en décrétant la mobilisation générale, le président ukrainien a interdit aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le pays et contribué ainsi à diviser des familles. Les femmes ukrainiennes supportent très mal d’être séparées de leurs maris, de leurs fils mais aussi de leurs parents qui, trop âgés, n’ont plus la force encore moins l’envie et le courage de se séparer de ce qu’ils ont acquis, la plupart du temps, au prix d’énormes privations. Autant de réalités qui échappent aux technocrates de Bruxelles qui se donnent aujourd’hui bonne conscience en prétendant venir en aide aux réfugiés ukrainiens alors qu’il aurait été préférable de penser à l’avenir ukrainien dès la chute du Rideau de Fer et le démantèlement de l’URSS. On ne comprend pas l’Ukraine si on oublie que dans ce pays la famille est sacrée. Dans son livre « 111 raisons d’aimer l’Ukraine » (*), le journaliste-écrivain allemand Christoph Brumme, marié à une Ukrainienne, s’attarde longuement et dans de nombreux chapitres à cette sacralisation de la famille qui conditionne toute la société ukrainienne. Elle n’est pas individuelle mais collective et tout est organisé pour que les familles aient un prétexte pour se rassembler, ce qui fait fait de l’Ukraine le pays où on dénombre le plus grand nombre de jours fériés à l’échelon national, régional ou local. Dans telle ville on fête tel jour le pain, dans telle autre le lard, la bière ou le café et à Poltawa où habite Christoph Brumme, c’est grâce à la wyschywanka, l’habit traditionnel ukrainien mais aussi biélorusse, que les familles ukrainiennes défilent, dansent et s’amusent dans les rues. Cet habit est devenu, à l’instar des œufs de Pâques, un symbole de l’unité nationale et on s’imagine mal les habitants de Poltava, émigrée en Pologne, ne pas participer à cette fête et ne pas pouvoir y crier haut et fort « Vive l’Ukraine libre ! ». vjp

(*) Le 2 février 2020, notre site a publié un article sur cet ouvrage (111 Gründe, die Ukraine zu lieben), titré « L’Ukraine : ce pays méconnu et troublant ». Nous avions engagé des négociations avec son auteur et son éditeur afin qu’il puisse être traduit en français mais, hélas, nous avons été victimes des agents du département de la Loire qui n’ont rien trouvé de mieux que de nous accuser de « fraudes sociales pour nous être entre-aidés en travaillant ! » ,  un paradoxe dans ce département où les élus ne cessent d’humilier les bénéficiaires de minima sociaux en les assimilant à des fainéants.   Maintenant, ils sont passés à l’étape  supérieure en empêchant le retraité que je suis de travailler pour créer des emplois. Ce litige dure depuis plus de sept ans et pendant toute cette période nous n’avons jamais pu développer notre site comme nous espérions le faire. Nous reviendrons prochainement sur cette misérable affaire dont les journalistes indépendants travaillant dans des conditions extrêmement difficiles en Europe Orientale et plus particulièrement en Ukraine et en Biélorussie ont été les premières victimes collatérales car ils ont été privés d’un précieux complément de revenus.

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