Les Polonais appréhendent l’hiver

Pologne/Russie/Europe Centrale – De tous les habitants d’Europe Centrale, ce sont les Polonais qui appréhendent le plus la rigueur hivernale. Il n’est pas rare que dans certaines régions du pays, le thermomètre affiche des températures de moins quinze à moins vingt degrés, et les territoires concernés sont dans la plupart des cas dépendants du charbon pour se chauffer. La Pologne a beau demeurer le plus grand producteur de charbon de l’Union Européenne, les extractions ne suffisent pas à couvrir les besoins. Le gouvernement polonais a commis l’erreur de ne plus importer de charbon de Russie dès le mois d’avril, c’est-à-dire peu après l’annexion de l’Ukraine et a été par conséquent dans l’incapacité de se constituer les réserves nécessaires. « La Pologne se trouve dans une position d’autant plus délicate qu’elle a besoin d’un charbon qui n’est plus exploité en Allemagne et au Royaume-Uni », explique Rafal Zasun, expert en énergie, lequel estime que Varsovie, à l’instar de ses voisins, aurait dû attendre le mois d’août avant d’appliquer l’embargo. Depuis plusieurs mois, la Pologne importe cette matière première en provenance de Colombie, d’Indonésie et d’Afrique du Sud mais cela ne suffira probablement pas à couvrir tous les besoins. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le charbon représentait, en 2020, un peu plus de 40 % du mix énergétique polonais, suivi du pétrole (environ 30 %) et du gaz naturel (environ 18 %), le reste provenant des biocarburants et des déchets, ainsi que d’autres sources d’énergie renouvelables comme le solaire et l’éolien. Jusqu’à l’embargo sur l’énergie russe, la Pologne couvrait elle-même moins de la moitié – 46 % – de ses besoins énergétiques, en produisant environ 80 % du charbon qu’elle consommait, mais seulement 20 % du gaz naturel et 3 % du pétrole. Le reste a été couvert par des importations. Environ la moitié du gaz et près des deux tiers du pétrole importés par la Pologne provenaient de Russie, selon le groupe de réflexion Forum Energii.

Rafal Zasun : il regrette la précipitation de Varsovie dans l’application de l’embargo russe.

Un monde devenu inconnu

Deux millions de foyers, soit environ 5,6 millions d’habitants et 15% de la population se chauffent exclusivement avec du charbon. La crise énergétique s’exacerbe d’autant plus que le charbon fait partie intégrante de la culture et l’histoire industrielle nationales. Sans leurs réserves de charbon leur assurant un minimum de bien-être, les Polonais se sentent orphelins. Parmi les plus amers et déçus, se trouvent les mineurs retraités qui bénéficiaient jusque là d’un « privilège » mérité, en l’occurrence le chauffage gratuit grâce à l’octroi annuel de trois tonnes de charbon. Tout cela appartient déjà au passé et les collectivités se retrouvent face aux mêmes difficultés que les particuliers. C’est le cas de Sandomierz, une ville touristique de quelque 30.000 habitants située dans l’est de pays, et qui se trouve face à des difficultés qu’elle n’aurait jamais pu imaginer il y a un an . Ses besoins en énergie ont connu une hausse des prix de 700%, ce qui l’oblige à reconsidérer de A à Z toute son administration. La municipalité envisage de fermer l’école et de faire assurer les cours en ligne aux trois cents élèves. Egalement envisagée est la fermeture de la piscine couverte municipale, ce qui va impliquer la suppression des cours de natation et des séances de gymnastique aquatique auxquelles s’étaient habituées les personnes âgées. En ce qui concerne l’hôpital qui accueille chaque année quelque 20.000 patients, il est le plus gros défi auquel se trouvent confrontés les édiles. Pour limiter les dépenses en énergie, sa direction n’a guère de solutions et l’une des mesures consisterait à limiter les heures de visite des familles et des amis. Cela permettrait d’éteindre la lumière dans les couloirs et les salles d’attente, de sorte que le temps d’éclairage serait plus court. Redoubler d’imagination, cumuler des économies de bout de chandelle et pourquoi pas s’éclairer à la bougie, trois décennies après la libéralisation de leur économie de plus en plus de Polonais se retrouvent dans un monde qu’ils ne comprennent plus. ak/pw (pg5i) – Nombre de mots : 648

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