Les grands délires du tout électrique

Allemagne – L’impuissance des Etats à gérer les conséquences du dérèglement climatique les conduit à prendre des décisions dans l’urgence qui prêteraient à sourire si elles n’étaient pas conditionnées par des investissements colossaux qui mettent en danger l’équilibre social de tous les pays. Parmi les champions, toutes catégories, des initiatives prises à la hâte, se trouve l’Allemagne, ce qui est logique en somme, puisqu’elle est à l’origine du plus grand scandale de l’histoire industrielle contemporaine, en l’occurrence la généralisation de moteurs diesel trafiqués mis au point et commercialisés au moment même où elle se glorifiait d’avoir signé les accords de la COP 21. Si le marché de l’automobile, qui demeure le fer de lance d’une économie mondialisée, est aujourd’hui fragilisé, c’est en grande partie à cause du pays qui a fait de la voiture un objet sacré. Son hégémonie, dans ce secteur devenu sensible, a obligé l’Allemagne à encourager la production de voitures dans un premier temps hybrides puis 100% électriques. L’ancien ministre des Finances, Wolfgang Stäuble, aujourd’hui président du Bundestag, mondialement connu pour son sens de la rigueur budgétaire, (les Grecs en ont fait la cruelle expérience !) n’avait pas hésité à débloquer un fonds de plusieurs centaines de millions d’euros destiné à des primes à la reconversion énergétique. Mais cette louable initiative a été un flop pour deux raisons, la première à cause du prix rédhibitoire des véhicules verts, la seconde plus insolite dans un pays réputé pour son organisation, à cause d’un manque total de logistique. Les têtes pensantes en fonction à Berlin ayant oublié une chose essentielle, la faible autonomie des batteries impose un réseau de recharge de batteries beaucoup plus dense que celui des stations-services traditionnelles. Pour que la voiture propre se vulgarise, il faut commencer par équiper tout le territoire sur tous les lieux où les automobilistes sont amenés, de gré ou de force, à se regrouper.

Des bicyclettes garées n’importe où et n’importe comment : un problème inattendu auxquelles les municipalités sont aujourd’hui confrontées.

Bureaucratie et anarchie

Le problème qui se pose par ailleurs provient du fait, qu’il est difficile de faire du neuf avec du vieux. La plupart des quelques 15.000 stations-service existantes, mises à part celles opérationnelles sur les autoroutes, ne peuvent pas être reconverties car souvent trop éloignées des zones urbaines. Le mot est lâché : le passage au tout électrique est autant un défi urbanistique qu’environnemental. Pour que le pari soit gagné, il faut que les collectivités territoriales, municipales notamment, commencent par recenser tous les lieux possibles où les points de rechargement des batteries sont possibles. Si les élus locaux n’interviennent pas, le risque sera alors grand que les automobilistes limitent leurs achats dans des chaînes de distribution qui ont déjà flairé le filon. Parmi elles, l’incontournable groupe Schwarz qui a déjà annoncé l’équipement, d’ici 2020, de quatre cents magasins à l’enseigne Lidl. Il va sans dire que tous ses concurrents vont suivre et il ne faudra pas s’étonner si, dans dix ans, 99% des Allemands mangent la même salade bio et low-cost et se lavent avec le même savon chimique importé sous différentes marques d’Inde ou de Chine. Il suffit de lire la presse allemande depuis six mois, pour se rendre compte à quel point ce pays est parfois en mesure de mettre sa bureaucratie au service de l’anarchie. Comme l’affaire des véhicules à quatre roues est tout sauf facile à gérer, les cerveaux berlinois sont partis du principe qu’en en divisant par deux le nombre, on allait résoudre proportionnellement les problèmes. Très mauvaise idée, car c’est désormais avec les bicyclettes et trottinettes électriques qu’ils rencontrent le plus grand nombre de difficultés. De Hambourg à Munich en passant par Francfort, Cologne ou Düsseldorf, les rues sont envahies de téméraires cyclistes et de trottineuses et trottineurs qui monopolisent les trottoirs, bousculent les passants, roulent en sens interdit sur les pistes cyclables et n’hésitent pas, lorsqu’ils sont trop pressés à griller les feux de circulation. Ces nouveaux vandales garent leurs engins n’importe où, dans les espaces verts comme au pied des monuments historiques et classés. Comme leurs engins ont été produits pour ne pas faire de bruit, beaucoup n’hésitent pas à insulter les piétons qui, ne les ayant pas entendus arriver, leur ont innocemment encombré le passage. Etant donné que les pouvoirs publics veulent encourager le tout électrique, ils ont soutenu les sociétés de location partant du principe que tout utilisateur épisodique est un futur client potentiel. Tout ce grand chambardement perturbe la société toute entière pour satisfaire ou plus exactement donner bonne conscience, le rouler vert, à une infime minorité de la population. Sur les 57,3 millions de voitures qui sont immatriculées en Allemagne, seules 83.000 (0,1%) et 341.000 (0,6%) sont respectivement 100% électriques ou hybrides. On parle toujours du 1% des plus riches, les Allemands se distinguent en ayant le 0,7% de ceux pour qui tout est permis ! vjp & kb

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