Les Berlinois ont vécu une première nuit cauchemardesque

 

 

Des dizaines de millions de fusées sont vendues en Allemagne au cours des trois jours précédant le Nouvel An. Cette tradition des feux d’artifices suscite chaque année de vifs débats, auxquels seul le ministère fédéral de l’Intérieur pourrait mettre un terme. Jusqu’à présent, aucun ministre n’en a eu le courage car la pyrotechnie est très populaire et le lobby de son industrie encore très puissant.

Allemagne – Après deux années de pandémie qui avaient obligé les Berlinois à vivre le jour de l’an dans l’intimité plutôt que dans l’allégresse, il fallait s’attendre à ce que cette nuit de la Sylvestre soit marquée par un retour  » à la normale » des festivités , lesquelles en Allemagne sont traditionnellement liées à l’usage de feux d’artifices. Ces derniers ont beau s’avérer très dangereux lorsqu’ils sont manipulés de manière hasardeuse, ils ne sont pas pour autant interdits à la vente. Chaque année, la police et les services de sécurité dénoncent leur utilisation mais comme ils sont très populaires,  les politiques préfèrent fermer les yeux,  quitte à mettre en danger un nombre croissant de leurs compatriotes. Mais ce qui s’est passé en ce 31 décembre 2022 pourrait bien changer la donne car jamais on avait assisté dans les rues de la capitale à un tel déferlement de violence.

Stephan Weh : depuis des années, il se bat pour l’interdiction des feux d’artifice.

Des millions d’euros en trois jours

Des engins pyrotechniques ont été tirés à l’aveugle sur des véhicules, des bâtiments et des passants . Des policiers mais aussi des pompiers et ambulanciers ont été pris pour cible. Le président du syndicat de la police berlinoise, Stephan Weh, bien que très expérimenté n’avait jamais assisté à un tel déferlement de violence gratuite. Il constate que les fusées de feux d’artifices et les pétards sont de plus en plus utilisés comme des armes contre les forces de l’ordre. Cela est flagrant dans la capitale mais aussi dans la plupart des villes allemandes. Après deux années de répit dues à l’interdiction afin d’éviter que les hôpitaux alors surchargés par les patients atteints du Covid subissent l’arrivée de blessés résultant des pétards, les mauvaises habitudes ont repris de plus belle et dès le 29 décembre, les Allemands se sont précipités dans le supermarchés et les magasins de bricolage pour acheter leurs fusées. Une aubaine pour les membres de l’Association Fédérale pour la Pyrotechnie, un secteur qui emploie 3.000 personnes et génère un chiffre d’affaires d’environ 120 millions d’euros, dont 90% au cours des trois jours précédant la nouvelle année. Les feux d’artifices proposés en Allemagne doivent être homologués par l’Institut Fédéral de Recherche et d’Essai des Matériaux ou par une autorité européenne comparable mais l’origine des produits utilisés demeure difficile à contrôler car ils sont vendus à grande échelle et  de manière éphémère. Les collectivités territoriales sont conscientes des dangers potentiels que porte en elle la pyrotechnie et certaines villes à l’instar de Hambourg et de Berlin ont décidé d’interdire son utilisation sur certains sites sensibles et très fréquentés. Mais ce type de mesure n’a aucun effet, si les habitants envoient leurs fusées des balcons où ils festoient. Depuis de nombreuses années, de plus en plus de voix, s’élèvent pour prôner l’interdiction totale et sans condition des feux d’artifices dans la sphère privée. Le président de l’Ordre Fédéral des Médecins, Klaus Reinhardt, a récemment dans le quotidien « Neue Osnabrücker Zeitung » tiré une nouvelle fois le signal d’alarme en rappelant que chaque année plus de 8.000 personnes souffrent d’une blessure à l’oreille interne due à l’explosion d’un feu d’artifice, ce qui peut provoquer une surdité à vie.

Dans un climat empreint de polémique, il est le seul à avoir eu une pensée à l’égard des réfugiés.

Des réfugiés traumatisés

Mais médecins et policiers ne sont pas les seuls à se positionner dans le camp des anti-pyrotechnie. Ils sont rejoints par la l’association de protection de l’environnement (Deutsche Umselthilfe) dont le président, Jürgen Resch, annonce d’autres chiffres pour le moins éloquents. Selon diverses études, au cours de la seule nuit du Nouvel An, plus 2.050 tonnes de poussières fines sont émises chaque année par la combustion de feux d’artifices, ce qui affecte sur le long terme les voies respiratoires d’un nombre incalculable de personnes. . Plus grave encore, des analyses ont prouvé que les fusées ne contiennent pas seulement de la poudre noire mais peuvent être remplies d’une charge explosive éclair très réactive. Par ailleurs, il n’est pas garanti qu’il y ait suffisamment de temps entre le moment de l’allumage et celui de la mise à feu du pétard pour atteindre la distance de sécurité. Autant d’arguments qui devaient être suffisamment convaincants pour mettre un terme à cette tradition des feux d’artifices. Le décision en incombe à la ministre sociale-démocrate de l’Intérieur, Nancy Faeser qui en optant pour une interdiction totale et définitive des feux d’artifices manifesterait une réelle solidarité avec l’Ukraine. Il était pour le moins indécent d’assister « dans la joie » à des scènes de violence alors qu’à quelques centaines de kilomètres de distance la guerre et les bombardements font rage. C’est ce qu’a tenu à rappeler Klaus Reinhardt en déclarent que « chez certains réfugiés venant des régions en guerre, les pétards du Nouvel An provoquent des sentiments terribles et chez certains d’entre eux des peurs mortelles. » kb & vjp (Nombre de mots : 870)

 

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