Les appels déjà vains de l’ONU

Monde/UE – « La crise corona doit conduire à un monde meilleur » a récemment déclaré Antonio Guterres à l’adresse des dirigeants de la planète qu’il prie instamment de venir en aide aux pays du tiers monde, les plus peuplés, les plus pauvres et de fait les moins capables de prendre et faire respecter les mesures de protection en vigueur dans les Nations développées. Au bout d’un mois de confinement, on s’aperçoit déjà que le secrétaire général de l’ONU a rejoint le camp des doux rêveurs, de ces personnes qui croient encore à la paix lorsque l’ennemi a déjà franchi la frontière.

Des villes sans piétons et des rues sans rats
Le confinement décrété par les gouvernements a l’avantage de générer un sentiment symptomatique de peur qui permet de faire oublier aux peuples les réalités de la nature humaine. Parce que des personnes applaudissent sur des balcons pour rendre hommage à des personnels soignants mus par leur conscience professionnelle, on s’imagine que la société ne peut à l’avenir que devenir plus solidaire. Le problème dans ce genre de situation inédite provient du fait que les médias préfèrent s’ébahir sur les gestes de personnes qui s’ennuient que sur le sort de celles et ceux qui travaillent dans l’ombre des caméras et qu’il est par conséquent aisé d’oublier. On loue le travail de ceux qui nous empêchent de mourir ou font vivre quelques semaines de plus des personnes naturellement programmées par l’âge pour nous quitter, mais on oublie ceux qui nous permettent de nous nourrir et de nous promener pendant l’heure tolérée dans des rues propres où les rats ne sont plus autorisés.

Tous les maux mis à jour
La pandémie met à jour tous les maux de la société, l’égoïsme érigé en philosophie et ce ne sont pas quelques initiatives ou quelques idées prises dans l’urgence qui changeront la donne. L’actualité, la vraie, celle dont personne ne parle parce qu’elle ne fait pas encore de morts, est celle qui fabrique les futurs grands blessés de la vie. S’il faut s’inquiéter de la propagation du virus, il faut aussi se soucier de ceux, infiniment plus nombreux, qui risquent de ne plus avoir d’avenir. Dans la plupart des cas, les effets secondaires sont plus longs et difficiles à vivre que la maladie elle-même. Ce ne sont ni les cancéreux encore moins les porteurs du VIH qui nous contrediront car tous vivent au quotidien avec une épée de Damoclès sur la tête, dans l’angoisse d’une rechute et de la perte définitive de leur emploi. Ce qui est inédit avec le Covid 19 provient du fait, qu’on fait subir à des personnes en bonne santé les effets secondaires d’une maladie qu’elles n’auront peut-être jamais. Pire encore, on leur inflige un traitement prescrit par des femmes et hommes d’Etat qui n’ont jamais été médecins et qui n’ont d’autres choix que de se faire conseiller par des experts dont les plus honnêtes reconnaissent eux-mêmes ils n’y comprennent rien. Pourquoi la pandémie frappe-t-elle davantage l’Alsace que le Sud-Ouest de la France ? Pourquoi cause-t-elle 4,3 décès pour 100.000 habitants en Allemagne et six fois plus en France alors que les conditions sanitaires sont à priori comparables ? N’est-ce pas là la preuve évidente d’une mauvaise gestion du secteur de la santé ? Est-ce honnête, judicieux, réaliste et démocratique que de faire subir à toute une population les manquements de deux générations d’hommes politiques incompétents qui ont administré le secteur de la santé comme on est censé gérer une entreprise privée ?
Une gestion à deux vitesses
En n’apportant pas de réponses honnêtes et objectives à ces interrogations, les gouvernants sèment un doute qui, naturellement et logiquement, s’amplifie à chaque nouvelle prise de décisions. Lorsque celles-ci étaient salutaires, à l’instar du port d’un masque, on les estimaient inutiles, lorsqu’elles semblaient évidentes, à l’instar de la fermeture des écoles, elle ne le sont plus. Et tout se passe comme si le virus évoluait de manière différente, fatale pour les personnes âgées et anodine pour les enfants. L’Allemagne a décidé, elle aussi de rouvrir les écoles début mai selon les recommandations de la Chancelière Angela Merkel mais certains lands envisagent d’anticiper cette date butoir ce qu’ils ont le droit de faire car ils ont le pouvoir de gérer la crise de manière autonome en tenant compte des spécificités régionales. La responsabilité des pouvoirs publics consiste désormais à prévenir des dangers de l’après-crise qui se dessinent de manière brutale. En l’espace de quelques jours, de toute part en Europe, des vagues de licenciements et des plans sociaux sont sur les rails. Avant-hier, on apprenait que le groupe français Publicis s’apprêtait à supprimer des centaines de postes en Angleterre, en deux semaines le nombre de demandeurs d’emplois a doublé en Haute-Autriche et si l’Allemagne travaille déjà hardiment au post-Corona, c’est parce que certains des fleurons de sa scène numérique sont touchés par la crise sanitaire au moment où ils commençaient à sortir du tunnel. Les mauvaises nouvelles n’arrivent pas seulement des pays gravement touchés par la pandémie mais aussi de ceux qui à priori, à l’instar du Japon, en ont été plus ou moins épargnés. On s’aperçoit que le Softbank Vision Fund qui a investi des milliards de dollars dans Uber, WeWork ou Tiktok n’est ni plus, ni moins qu’une « bombe à retardement ». Aucun organisme supranational à l’instar de l’ONU, de l’Organisation Mondiale du Commerce, (OMC), du FMI et encore moins de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) n’est parvenu à freiner les velléités d’expansion des « Global Champions » qui font aujourd’hui la pluie et le mauvais temps sur la planète. Avec sa boulimie d’acquisitions, de prises de participation et d’engagements dans des start ups à l’avenir incertain, Masayoshi Son, le fondateur de Softbank s’est arrogé un pouvoir qu’aucun homme d’Etat n’est en mesure de limiter. Que valent les discours d’un secrétaire général de l’ONU face à la stratégie d’expansion d’un homme qui a, à lui seul, l’avenir de centaines de millions de citoyens du monde entre ses mains.
Global Player or Global Killer ?
Lorsque Son éternue, c’est tout l’univers des affaires et de la finance qui s’enrhume. Le groupe Alphabet a déjà renoncé aux emplois qu’il envisageait de créer d’ici la fin de l’année, Gopro a annoncé la suppression de deux cent postes. La société d’assurance Allianz qui envisageait de se diversifier dans le négoce de voitures d’occasion électriques a annoncé cette semaine la liquidation d’Abracar, une start up munichoise dans laquelle elle avait investi la bagatelle de 11,5 millions d’euros en 2018. Cette semaine également, on a appris le renoncement de la compagnie aérienne polonaise LOT au rachat de Condor, filiale de Thomas Cook. Depuis plus de 20 ans, cette compagnie, créée en 1955 pour le fret postal, ancienne propriété de la Lufthansa reconvertie dans le low-cost est un boulet qui s’était alourdi bien avant le déclenchement de la pandémie. Pour qu’elle puisse passer l’hiver, la banque de crédit pour le reconstruction, KfW, lui avait accordé un crédit de 380 millions d’euros qui est arrivé à échéance le 15 avril dernier. 5.000 emplois risquent de disparaître car aucun repreneur ne s’est manifesté. On compte déjà par centaines le nombre d’organismes professionnels, toutes branches confondues, qui tirent le signal d’alarme et revendiquent des aides d’urgence. Des milliers de petits commerces n’ont d’autre avenir que leur liquidation car chacun sait que les aides allouées ne suffiront pas à les sortir du marasme. Actuellement le regard se porte sur les artistes et les « gens du spectacle » par tradition proches des médias et à ce titre mieux à même de jouer un rôle dans cette tragédie mais ce lobby, portant haut la voix et mobilisant les écrans, fait oublier qu’un nombre infiniment plus élevé de victimes vont être laissés sur le bas côté de la route. Où sera le monde meilleur lorsque des millions de personnes ayant la chance de travailler ne la vivront que de manière partielle ou précaire ? vjp

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