Les Allemands perdent de plus en plus le moral

Allemagne – L’institut de sondage Allensbach réalise périodiquement des enquêtes d’opinion sur les sujets les plus sensibles auxquels la société est confrontée. La dernière en date portait sur le moral des Allemands et plus particulièrement celui des personnes âgées de 30 à 59 ans , une tranche de la population qui représente dans la République Fédérale quelque 35 millions d’individus. Elle est le pilier de l’économie du pays car elle fournit 70% du travail rémunéré, élève des enfants et doit s’occuper de plus en plus souvent des parents âgés. Sans les 30-59 ans, il n’y a plus de système fiscal et social cohérent car ce sont eux qui garantissent le bien-être de la société en général.

83% d’inquiets !

Les résultats de la dernière enquête rendus publics par l’institut laissent pantois, car jamais le moral des Allemands n’a été aussi bas. La pandémie, le confinement et l’effondrement conjoncturel qui s’en était suivi avait déjà douché en 2021 l’optimisme. Un an plus tard, le moral des Allemandes et Allemands quelles que soient les catégories sociales auxquelles elles ou ils appartiennent, est au plus bas. L’inflation record, dont ils ont entendu parler par leurs grands ou arrière-grands-parents, et la pénurie d’énergie sont des maux auxquels ils n’ont jamais été habitués et qu’ils ont par la force des choses des difficultés à appréhender. A une forte majorité (+ de 83%), ils s’inquiètent des conséquences de la guerre en Ukraine et dans une même proportion, ils attendent de l’Etat qu’il prenne toutes les mesures possible pour atténuer la dépréciation monétaire. Mais ce qui est inquiétant provient du fait que les personnes sondées en appellent à l’intervention de l’Etat alors même qu’elles donnent une mauvaise note au gouvernement quant à gestion de la crise. Trois personnes sur quatre mettent en doute la capacité des ministres à gérer les secteurs dont ils ont la charge. Selon Renate Köcher, directrice de l’institut qui a supervisé cette étude d’opinion, la méfiance de la société allemande à l’égard de ses dirigeants s’explique par un certain nombre d’antécédents à l’instar du manque de données fiables au moment de la pandémie, des troubles à répétition dans les centres d’hébergement pour réfugiés et du manque flagrant de personnels dans les milieux scolaire et hospitalier. Les Allemand(e)s prennent conscience que ceux qu’ils ont élus, leur ont fait, hier,  des promesses qu’ils sont dans l’incapacité, aujourd’hui,  de tenir. A une très forte majorité (82%), ils estiment que l’inflation va perdurer, seuls 7% la considère comme une phénomène temporaire et 11% sont indécis. Par ailleurs, 52% des personnes interrogées appréhendent la période hivernale et s’attendent à des restrictions énergétiques. Les travaux effectués par l’institut Allensbach dont les synthèses sont commentées par le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung sont pris très au sérieux par les dirigeants car ils portent non pas sur échantillon de mille personnes représentatives de la population qui est généralement la norme dans tous les pays où sont réalisés des sondages, mais sur un panel de 25.000 personnes réparties sur tout le territoire. Crée en 1947 par Elizabeth Noëlle-Neumann (*) qui s’est rodée à la technique des sondages après avoir séjourné aux Etats-Unis en 1942, l’institut Allensbach disposent de vastes archives soigneusement entretenues qui permettent aussi bien d’avoir un aperçu rapide des résultats actuels de la recherche tout en les comparant à  des études de tendances remontant parfois à plusieurs décennies. C’est grâce à ce patrimoine qu’historiens et chercheurs peuvent étudier en détail l’évolution de la société allemande. Les travaux de l’institut permettent aussi aux journalistes de prendre du recul par rapport à l’actualité et de trancher à savoir si l’histoire est susceptible de se répéter au non. vjp

(*) Elisabeth Noelle-Neumann, née en 1916 et décédée en 2010, avait jusqu’en 2010 prédit avec exactitude toutes les élections fédérales en Allemagne depuis un demi-siècle. Mais elle est surtout connue pour  son livre «La spirale du silence – Une théorie de l’opinion publique» qui n’a pas perdu une ride bien au contraire car il fait de plus en plus l’objet d’études à l’ère des espaces publics virtuels. Dans quelle mesure l’algorithme de Facebook – et les nouvelles qu’on y voit chaque jour – influence-t-il les convictions et les choix politiques des gens ? Toutes les positions sont-elles également visibles sur les réseaux sociaux ou certaines personnes se taisent-elles par peur d’être isolées ? Est-ce qu’on vit dans un environnement qui aide à ne pas surestimer son opinion personnelle à cause du bruit qui nous entoure ? Est-on une victime ou un bourreau de la spirale du silence ? Autant de questions auxquelles elle a tenté de répondre et ce, bien avant l’explosion des réseaux sociaux.

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