Le confinement total : un privilège réservé aux pays riches

Roumanie – Les mesures de protection engagées, de conserve, par la plupart des dirigeants de tous les continents ont leurs limites et si elles s’avèrent efficaces elles ne le seront que dans les territoires développés. Au fil des décennies on est passé du tiers au quart monde pour qualifier les pays en voie de développement. A cause du coronavirus, il est fort à parier qu’on soit bientôt obligé de parler d’un cinquième, sixième ou septième monde, car la pandémie révèle au grand jour ce que chacun subodore mais que personne ne veut regarder, encore moins corriger.

Contrairement à ce que tout le monde croit savoir, les pays africains ne sont pas les seuls à être frappés par une extrême misère. A quelques centaines de kilomètres de l’Allemagne, membre le plus influent et le plus puissant de l’Union Européenne, se trouve des pays, en l’occurrence la Roumanie et l’Ukraine, habitués aux catastrophes naturelles (tremblements de terre) et nucléaires et toujours confrontés à la résurgence de maladies depuis longtemps éradiquées en occident, à l’instar de la tuberculose ou de la rougeole. Dans la lutte contre le coronavirus, il est par conséquent évident qu’ils ont un train de retard avec de surplus, des wagons qui déraillent.

Des lavabos publics
Dans le bourg de Zeiden-Codlea, situé dans le district roumain de Kronstadt-Brasov, il ne sert, par exemple, à rien de recommander le lavage quotidien des mains car de nombreux habitants ne disposent même pas de l’eau courante. Pour pouvoir respecter les consignes édictées par le gouvernement, la municipalité a été contrainte d’installer des lavabos publics dans les trois quartiers les plus habités ou fréquentés, lesquels sont dotés de distributeurs de savon et de papier dont les contenus sont renouvelés trois fois par semaine. Mais certains s’interrogent déjà à savoir si la logistique suivra car sept employés du service d’urgence de Kronstadt sont déjà atteints par le virus. Mais ce qui est aussi et surtout inquiétant est le fait que les autorités locales envisagent de maintenir ce service après la crise ce qui tend à prouver que même soignés ou épargnés, ces Roumains-là ne pourront toujours pas se laver correctement les mains encore moins les pieds et les aisselles ! Mais aussi inadmissible qu’il soit, ce souci élémentaire d’hygiène et de prévention, n’est pas ce qui préoccupe le plus les Roumains qui n’ont pas les moyens, à l’instar des occidentaux, de rester des jours ou des semaines sans travailler. A l’instar de ses voisins du centre de l’Europe, la République des Carpates a été épargnée par la crise financière de 2008, année au cours de laquelle son produit intérieur brut a grimpé de 13,5% par rapport à l’année précédente, mais elle en a subi les conséquences dès l’année suivante avec une chute du PIB de 15,5%, un retard dans son développement qu’elle a mis plus de quatre ans à compenser. Plus d’une décennie après le crash financier, elle est toujours confrontée aux mêmes problèmes structurels dont les plus récurrents sont ceux liés au secteur de la santé. Le pays a fait des efforts en augmentant les salaires mais les médecins et personnels soignants qu’il forme sont toujours tentés par l’émigration, laquelle est encouragée par l’Allemagne et l’Autriche qui en manquent chaque année davantage car leurs populations vieillissent. Depuis son intégration dans l’Union Européenne, le Roumanie ne cesse de perdre ses forces vives. Dans ces conditions, il est évident que le confinement ne peut y être respecté, comme il l’est en occident, car il déstabiliserait de jour au lendemain tout le système économique. Depuis le début de la propagation du coronavirus, huit dispositions militaires ont été adoptées mais la dernière en date concerne un assouplissement des mesures précédentes, en l’occurrence l’autorisation pour les pêcheurs et apiculteurs de reprendre leurs activités. Toutes les personnes travaillant dans le commerce ou les réparations de véhicules peuvent également se rendre sur leur lieu de travail. Celles en provenance de l’étranger sont systématiquement mis en quarantaine , abstraction faite des ressortissants hongrois qui franchissent tous les jours une frontière qui est censée ne plus exister depuis 2007. Lorsque le président Wilson, décédé de la grippe espagnole a cosigné le traité de Versailles, il ne pouvait alors s’imaginer que cent plus tard un second fléau, bien qu’infiniment moins meurtrier, allait remettre en cause à ce point le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Les Roumains ont certes gagné la liberté de se déplacer librement à l’intérieur de l’Europe mais lorsqu’ils en profitent c’est par obligations et non sans danger. 418 et 196 ont été respectivement contaminés en Italie et en Espagne, soit presqu’autant qu’à Bucarest où 688 personnes positives ont été recensées. Mais ce qui est troublant et sujet à interrogations en Roumanie est la distorsion des nombres de contaminés d’une région à l’autre. Un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir car ce n’est qu’en étudiant avec précision l’évolution géographique de l’épidémie qu’on saura s’il est judicieux ou non de renforcer, de maintenir ou de modérer les mesures prises en matière de confinement. vjp

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