L’Allemagne se francise et s’appauvrit

France/Allemagne/UE – Si nous nous faisons un devoir de lire et d’analyser les points de vue des deux économistes Marc Friedrich et Matthias Weik,  c’est pour la simple et unique raison que nous les considérons comme les observateurs les plus visionnaires,  parce que les plus réalistes, de la société contemporaine. Ils ont été les premiers à prévoir la montée en puissance programmée des mouvements populistes, ils ont été les premiers à dénoncer la politique ambiguë d’Angela Merkel, en ayant été les premiers à alerter des dangers d’une migration mal maîtrisée, ils ont été les premiers et les plus virulents détracteurs de la politique des bas intérêts menée par la  Banque Centrale Européenne, ils ont été parmi les premiers  à ne pas exclure une possible sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne et enfin, pour couronner le tout, ils ont été les seuls à ne pas croire, un seul instant,  en la capacité d’Emmanuel Macron de pouvoir réformer un pays encore géré par des institutions datant de Napoléon. Le duo a beau aller à contre courant mais dans le bon sens, il n’est pas écouté  parce qu’il dérange.  A ces deux trublions, adversaires de la pensée unique et du politiquement correct, le site des DWN (Deutsche WirtschaftsNachrichten) a consacré le week-end dernier un très long article dans lequel tous les dés sont jetés et le moins qu’on puisse dire est que le blason des nouveaux rois et  nouvelles reines qui prétendent pouvoir nous sortir de la crise est loin d’être redoré.  L’Europe est malade parce que ses deux plus puissants membres fondateurs, la France et l’Allemagne sont déjà en soins palliatifs.

Marc Friedrich et Matthias Weik

Un désastre pour les partis traditionnels

« Que ce soit en Allemagne, en Europe, en Asie, en Afrique ou aux Etats-Unis, le monde devient fou. De toutes parts de gigantesques conglomérats ne payent pas d’impôts au détriment des classes moyennes et partout on  joue avec des allumettes parce que les élites politiques, gênées, éloignées des réalités et incompétentes n’ont rien de crédible à proposer » déclarent les deux économistes qui assimilent aussitôt Berlin, Paris, Bruxelles, Londres et Washington à des « cirques où ne se produisent que des clowns qui ne font plus rire car ils s’amusent avec l’argent d’un nombre croissant de contribuables ». Ils n’ont pas tort car s’il fallait comparer la ministre allemande en charge de la Défense à une figure politique française, la réponse serait immédiate et le nom de François Fillon serait une évidence. A la différence près toutefois que l’Allemagne étant encore beaucoup plus riche que la France, les sommes encaissées, en France, au nom de la « corruption légalisée » y sont, de fait, considérablement moins élevées que  les « détournements légitimés »  de fonds publics que les contribuables allemands quelle  que soit la formation politique à laquelle ils appartiennent ont de plus en plus de mal à digérer.  Les quelque centaines de milliers d’euros empochés par l’ancien 1er ministre de Nicolas Sarkozy font figure d’aumône par rapport aux millions qu’Ursula von der Leyen, ministre de la Défense,  a indirectement empochés grâce à un tour de passe-passe que les Allemands ont avalé de travers. En confiant la réforme des armées à sa secrétaire d’Etat à la Défense, Katrin Suder, associée à Mc Kinsey, la ministre a permis à ce cabinet de conseil de facturer la bagatelle de 208 millions d’honoraires. Lorsque les Allemands ont appris que le fils de la ministre, David, était consultant et actionnaire depuis sept ans du groupe américain, connu autant pour ses études que ses connivences avec  les lobbyistes de l’industrie de l’armement, il a été difficile de les accuser de faire un amalgame. Cet impair risque de coûter cher à la Chancelière mais encore davantage au parti dont elle a été la présidente, en l’occurrence l’Union Démocrate Chrétienne (CDU), dont le score aux prochaines élections au Parlement Européen, aura du mal, selon les deux économistes, à franchir le seuil symbolique des 30%, duquel dépend l’avenir déjà incertain d’une grande coalition qui a hissé au sommet de l’Etat des femmes qui se révèlent aussi corrompues que leurs collègues masculins. Qu’Ursula von der Leyen n’ait pas été poussée à la démission, qu’elle s’accroche à son poste comme une tique à la peau d’un chien et ce, malgré la vigilance de la Cour des Comptes Fédérale, laisse supposer l’existence d’autres malversations qu’il est préférable de laisser dans les tiroirs jusqu’au jour du scrutin européen. « Les élections au Parlament Européen vont être un désastre pour les partis traditionnels » préviennent Marc Friedrich et Matthias Weik, qui sont déjà persuadés que le parti social-démocrate a déjà pris le même chemin que le parti socialiste français. Pour avoir fait confiance au « roi des clowns », en l’occurrence Martin Schulz, le SPD a signé son acte de mort. Celle qui lui a succédé à la tête du plus vieux parti allemand, Andrea Nahles, tente en vain d’en rajeunir les instances. Pour ce faire,  elle est parvenue, après de longs mois de négociations, à imposer la présence au gouvernement de trois hommes à des postes stratégiques, Olaf Scholz, Hubertus Heil et Heiko Maas, respectivement en charge des Finances, du Travail et de la Justice.  Mais tous trois n’ont qu’une seule ambition, la remplacer à la tête du parti, en vue d’accéder un jour à la Chancellerie. Les Allemands vivent aujourd ‘hui ce à quoi ont assisté les Français il y a deux ans, à une bataille de chiffonniers vendant des fripes infestées de puces sautant d’une souris à un chat pour éviter de se faire avaler. Opportunisme, guerre de clans, carriérisme :  les femmes et les hommes politiques allemands contribuent, à l’instar de leurs collègues français, à la déliquescence du climat social. Le mal est devenu tellement chronique qu’il ne pourrait plus être soigné, y compris par  un ovni venant d’une planète où tout le monde serait intègre.

Angela Merkel et Ursula von der Veyden, Ministre de la Défense

Un nouveau départ à zéro

Dans l’un de  leur ouvrage « Der Crash ist die Lösung » (Le crash est la solution), Marc Friedrich et Matthias Weik tiraient une conclusion dramatique mais qui se révèle, hélas, de plus en plus plausible. Ils ne voyaient comme solution à cette dégénérescence  généralisée qu’une solution : un nouveau départ à zéro. Et force est de constater que ce redémarrage risque de s’opérer au profit des thèses populistes. Les deux François, Hollande et Fillon, ont ouvert une avenue à Emmanuel Macron qui se transforme actuellement en boulevard pour le parti de  Marine le Pen. Angela Merkel et Martin Schulz en ont fait de même en laissant un couloir aérien à l’AfD (Alternative für Deutschland), une formation d’extrême-droite qui, bien qu’impliquée dans de troubles affaires, fait figure d’enfant de chœur comparativement aux turpitudes des gens en place. L’AfD, tout comme le Rassemblement National, n’a pas besoin de programme et, chance inouïe, n’est pas obligée de faire des promesses. C’est le paradoxe de la nouvelle démocratie que de laisser le champ libre, en  toute impunité, aux antidémocrates. Il suffit à l’AfD d’égrainer quelques vérités pour gagner des points. Et Dieu sait si, en Allemagne comme en France, de vérités, il ne manque pas. Tout citoyen allemand appartenant à cette classe dite « moyenne » sait que, si rien ne change,  il ne sera jamais propriétaire de son appartement ou de sa maison, que ses enfants devront acheter un camping-car d’occasion pour partir en vacances, qu’il va devoir travailler bien au-delà de son arrivée à l’âge légal d’accès à la retraite, que sa pension ne pourra augmenter qu’à la condition que  ses petits-enfants acceptent de s’appauvrir, qu’il va devoir payer toujours plus d’impôts parce que son vieux voisin oublie de mourir, qu’il n’aura plus le choix de ce qu’il mange parce que des géants de la distribution ne lui vendront que des produits standardisés, qu’il devra travailler plus pour gagner moins, qu’il paiera peut-être moins d’impôts directs mais toujours plus de taxes sur les produits de base dont il a besoin. C’est cette vision pessimiste et réaliste qu’ont de plus en plus de citoyens européens, ils ne l’ont plus dans les yeux mais l’expriment dans les rues. La France paye les conséquences de sa désindustrialisation et l’Allemagne fait le bilan d’un développement industriel trop fulgurant pour avoir pu le maîtriser. La réunification qui aurait pu être un espoir n’a fait qu’approfondir les inégalités. Les Français des champs revendiquent aux côtés des Français des villes, les citadins allemands de l’est n’acceptent plus de cohabiter avec ceux de l’ouest. Le premier salaire du diplômé d’une université ou d’une grande école de Leipzig ou de Dresde n’est guère plus élevé que celui d’un jeune homme ayant achevé sa formation dans un centre d’apprentissage de Munich ou de Francfort. Mais en réalité, ils sont sur le même pied d’égalité et ont les mêmes revendications car le premier pourra se louer un 45 mètres carrés alors que le second devra se contenter d’une chambre meublée guère plus grande qu’une cellule de prison. Les mouvements de contestation qui se font jour actuellement en France et de partout en Europe de manière apparente ou sous-jacente proviennent d’une solidarité inattendue entre des couches entières de la société que les élites ont cherché à diviser pour protéger leurs propres intérêts.

M.Vestager : plus puissante que deux chefs d’Etat !

Une commissaire européenne féminise Don Quichotte

Ce possible retour de bâton, les instances européennes en avaient conscience et n’ont rien entrepris pour l’éviter. Tous ceux qui alertaient les dirigeants et leur conseillaient de tout mettre en œuvre pour freiner la soif d’hégémonie des groupes américains sur l’économie mondiale, n’ont pas été écoutés car le Parlement de Strasbourg et la Commission de Bruxelles sont constitués des mêmes « clowns » que condamnent M.Friedrich et M.Weik. Pis, beaucoup  d’entre aux  sont des « clowns » recyclés qui n’avaient plus d’avenir politique dans leurs propres pays. L’Europe au sommet est gérée par des commissaires ou anciens commissaires qui sont devenus plus puissants que les chefs d’Etat des plus gros contributeurs au budget européen. On en a eu la preuve la semaine dernière avec le véto émis par Margrethe Vestager à la fusion Siemens-Alsthom. Cette femme, devenue célèbre pour s’être solidarisée avec les caricaturistes de Mahomet, s’épanouit à Bruxelles après avoir été laminée à Copenhague. Le parti social-libéral auquel elle appartient a chuté de moitié entre 2005 et 2015, passant de 9,2 à 4,6% des suffrages . Il n’est représenté au Parlement (Folketing) que par huit députés sur 179, soit neuf de moins que dix ans auparavant. Le bilan de ce parti aux élections européennes est encore plus catastrophique car il  n’est jamais parvenue à franchir la barre des 10%. Cette femme incarne le Mal Européen qui consiste à hisser au pouvoir suprême les plus incompétents des incompétents et les plus bavards des démagogues. Lorsque Mme Vestager se vante d’être la seule à se battre contre les Gafa, elle ne se rend pas compte qu’elle féminise Don Quichotte. Car, à qui fera-t-on croire qu’une femme représentant un tout petit parti dans un  tout petit pays, puisse lutter contre des groupes qui dominent le monde. Qu’on le veuille ou non et il faut deux économistes allemands et visionnaires pour nous  le rappeler, ces groupes détiennent « l’or du futur ». Sur les vingt amenés à diriger la planète et fournir du travail, directement ou indirectement, à des centaines de millions d’individus, douze sont américains et huit sont chinois. Ils s’appellent Alphabet-Google, Apple, Facebook, Amazon, Netflix, Tencent ou Alibaba. Certes, tous s’obstinent à ne pas vouloir payer trop d’impôts voire à s’en acquitter d’aucun. Mais avant de les clouer au piloris, les adeptes européens  de la taxation et de la fiscalisation devraient commencer par s’interroger, à savoir pourquoi on en est arrivé là ? Ils ne se poseront jamais la question, car cela supposerait une autocritique qui trahirait leur incapacité à gérer rationnellement le produit de l’impôt. Quel bénéfice tireraient les classes moyennes européennes des contributions des groupes listés ci-avant si Mme Vestager parvenait à les faire cracher au bassinet ?  Probablement aucun, car chacun sait que plus les Etats disposent d’argent, plus ils le gaspillent dans des budgets de fonctionnement pharamineux ou dans des projets qui ne sont pas prioritaires.  Si l’Europe ne tient plus la place qu’elle occupait lors de la création du Marché Commun, c’est parce que l’Union Européenne n’a cessé de dilapider son patrimoine. Ce n’est pas en taxant les Gafa qu’on recollera les pots cassés. Leurs présidents, directeurs généraux ont dû pouffer de rire, lorsqu’ils ont appris au printemps 2018, soit six mois avant le déclenchement du mouvements des « gilets jaunes »  que Valéry Giscard d’Estaing, 93 ans, créait un laboratoire d’idées ou plus exactement un « incubateur », intitulé de manière on  ne peut plus originale, « Re-imagine Europa »,   pour « retrouver le projet initial de l’Europe ». Parmi les « référents » de ce « machin » comme aurait dit qui l’on sait, la plupart de tous ceux qui ont contribué au fiasco européen. Ils ont eu le temps d’accomplir leur mission car ils se le sont donné en gravissant tous les échelons de la vie politique et en changeant de direction comme le vent à l’approche d’une tempête .

Un « vrai » européen de 93 ans !

Il sont devenus des « clowns pensionnés », les vétérans d’une Nouvelle Europe qui touchent des retraites colossales d’anciens ministres, d’anciens députés, d’anciens sénateurs, d’anciens présidents de conseils départementaux, d’anciens présidents de conseils régionaux et naturellement d’anciens députés européens. Le fondateur de ce bidule, qui depuis 38 ans coûte chaque jour à l’Etat ce que perçoit un bénéficiaire de l’ASPA en trois mois et demi, a eu le toupet récemment de donner des leçons de gestion européenne tout en réglant, comme il en a le secret, des comptes avec ces successeurs. VGE estime qu’Emmanuel Macron est  « incontestablement pro-européen  et il est le seul président après moi-même (!) à l’être. Chirac, Sarkozy et Hollande n’étaient pas pro-européens». Quand à Mitterrand, « il l’était vaguement » mais « avec lui c’était compliqué » . Certes, ce n’était pas simple avec Mitterrand qui craignait tellement la suprématie de l’Allemagne réunifiée qu’il a imposé l’abandon du deutsch Mark au Chancelier Kohl, sans se douter un seul instant qu’en forçant l’introduction de  l’euro, il allait contribuer à appauvrir l’Allemagne et la France. Dans une interview accordée en avril 2018 à « L’opinion » , VGE propose de régler la dette en « créant un Trésor européen, émetteur d’une  dette commune ». On voit mal les contribuables Allemands accepter une telle idée « révolutionnaire » car la dette commune non seulement existe déjà depuis des décennies mais elle leur coûte de plus en plus cher. Ce n’est pas parce que la presse française n’en parle jamais que le 3ième président de la 5ème République doit feindre d’ignorer que l’Allemagne d’aujourd’hui n’est plus celle de son ami Helmut. Le « miracle allemand » n’est plus et il est des signes, confirmés par des statistiques officielles qui le prouvent. Les citoyens allemands comptent parmi ceux qui travaillent le plus longtemps, 38,4 ans, soit sept et trois ans de plus que les Italiens et les Français, la réforme du code du travail adoptée sous Gerhard Schröder a contribué à baisser artificiellement le nombre de chômeurs mais à augmenter celui des précaires. Qui travaille un minimum de quinze heures par semaine n’est plus considéré comme demandeur d’emplois et perçoit un modeste complément de revenus. Trois millions de personnes sont allocataires du Hartz IV, pendant allemand du RSA français. Ces exclus de la société sont soumis, comme en France, à la complexité administrative, la lourdeur bureaucratique et aux abus de pouvoir d’agents de la fonction publique qui en ont sanctionné près du tiers en 2017, soit exactement 952.289 selon les données officielles du l’agence fédérale du travail. De nombreux métiers demeurent sous-payés, notamment dans le secteur de la santé. Les aides soignantes allemandes battent le record européen quant au nombre de personnes dont elles ont la responsabilité, treize en moyenne, soit près du double qu’aux Pays-Bas. 31% et 28% des femmes et hommes retraités poursuivent leur activité professionnelle ou en recherchent une nouvelle lorsqu’ils ont atteint l’âge légal d’accès à leur pension. Seul un enfant sur trois a sa place dans une crèche. Parce que les Allemands  n’ont plus toujours les moyens de s’offrir de vacances à l’étranger,  le nombre de touristes nationaux ne cesse d’augmenter depuis une dizaine d’années au rythme de 4 à 6% par an. Grâce à l’étalement des vacances et au numérique, ils investissent dans des véhicules qu’ils peuvent louer lorsqu’ils ne les utilisent pas. Le nombre de nouvelles immatriculations de caravanes et de camping-cars a augmenté respectivement de 29 et 65% entre 2015 et 2018. Au cours des quatre dernières années, le nombre d’étudiants boursiers a chuté de plus de 20%. Seuls 225.000 lycéens (3,9%) et 557.000 étudiants (19, 4%) ont eu accès à une bourse d’étude en 2018, ce qui tend à prouver que l’éducation, en Allemagne comme ailleurs, est de plus en plus réservée aux classes favorisées de la société. Plutôt que de « re-imaginer » l’Europe, l’ancien président de la République, devrait commencer par s’interroger à savoir, pourquoi les trois pays porteurs du projet initial de l’Europe qu’il propose de ressusciter, sont toujours les trois à favoriser l’évasion fiscale. Selon la dernière étude de l’Université de Londres, l’Italie arrive largement en tête avec 190,9 milliards d’euros, suivie de l’Allemagne (125,10 Mrd.) et de la France (117,90 Mdr.). mcb, kb & vjp

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