La justice sociale diffère d’une rive à l’autre du Rhin

Allemagne/France – Lorsque l’ancien Chancelier social-démocrate, Gerhard Schröder, a confié les réformes du code du travail à Peter Hartz, il s’imaginait pouvoir imposer aux salariés allemands ce que le directeur du personnel de Volkswagen avait appliqué au sein du groupe automobile. Mais, en réalité, Peter Hartz ne s’est pas remué très longtemps les méninges et s’est contenté de copier le modèle français en matière de traitement du chômage et de la précarité. Le Hartz IV, alloué aux demandeurs d’emplois qu’ils soient ou non de longue durée, n’est ni plus, ni moins qu’une copie conforme du Revenu de Solidarité Active, un outil qui a de multiples avantages dont le plus utile consiste à faire baisser artificiellement le nombre de chômeurs, facteur déterminant pour se maintenir au pouvoir.
Les sociaux-démocrates victimes du modèle français
Si la social-démocratie est autant mise à mal en République Fédérale d’Allemagne, c’est parce qu’une majorité d’Allemands a compris que certaines réformes, dont naturellement celle du travail, non seulement n’avaient pas tenu leurs promesses mais divisé la société. C’est ce monde du travail mal géré qui a contribué aux inégalités salariales entre femmes et hommes, entre Allemands de l’Ouest et Allemands de l’Est, entre jeunes et et vieux, entre travailleurs « laborieux » et chômeurs « fainéants » et par voie de conséquence à la montée en puissance de formations extrêmes qu’elles soient de droite ou de gauche, comme l’a illustré le week-end le résultat du scrutin aux élections régionales de Thuringe, sujet sur lequel nous allons prochainement revenir. Chaque fois que les Allemands font l’erreur d’imiter les Français, ça leur retombe dessus. On se souvient du combat pour l’exception culturelle, un dada hexagonal qui n’a fait qu’accentuer la force de frappe des superproductions américaines sur le marché cinématographique germanophone. Mais Dieu soit loué, les bénéficiaires allemands du Hartz IV ne subiront pas avec les organismes sociaux de leur pays, les humiliations que subissent les allocataires du RSA avec les agents des Caisses d’Allocations Familiales et les référents des départements. Ils échapperont au zèle de fonctionnaires incompétents parce que le Tribunal Fédéral Constitutionnel en a décidé ainsi et prouvé, en agissant de la sorte, que l’Allemagne est infiniment plus démocratique et surtout réaliste que ne l’est la France. Car en faisant du copier-coller du système français, les agents teutons avaient tendance à s’orienter vers des sanctions qui s’inscrivent certes dans la loi fondamentale mais dont il est interdit d’abuser. Alors qu’en France il est courant que des bénéficiaires de minima sociaux se voient privés de leurs allocations au-delà des taux prévus par la législation, pire que l’intégralité de leurs revenus soit saisie sans préavis par les CAF y compris lorsqu’il s’agit de personnes gravement malades ou retraitées, ce genre de méthodes n’aurait jamais été toléré en Allemagne mais le Tribunal Constitutionnel a tenu à s’en prévenir. Depuis lundi dernier, tout Allemand en situation de précarité aura droit à un minimum pour vivre et les saisies sur les aides à hauteur maximale de 30% ne seront autorisées que si la personne concernée a refusé un emploi dont il est prouvé qu’il correspond à son expérience ou s’il refuse une nouvelle formation rémunérée. Dans le cas où un candidat manquerait intentionnellement un rendez-vous au Jobcenter, le saisie est maintenue mais sans dépasser le 10%. Quoiqu’il en soit les abus dont se permettent les agents en France seraient impossibles de l’autre côté du Rhin car les Jobcenters sont placés sous la tutelle de l’Agence Fédérale du Travail qui les finance, les municipalités n’intervenant que minoritairement à hauteur de 12 à 15%. Par ailleurs, le Hartz IV est ouvert aux jeunes de moins de 25 ans. Enfin, et ce n’est pas la moindre des différences entre les deux pays : à deux personnes contraintes de partager un même appartement, il est strictement interdit, en Allemagne, de leur attribuer une situation maritale fictive au nom d’une « communauté d’intérêt », notion d’autant plus ambiguë qu’elle est une entrave à la Convention Européenne des Droits l’Homme mais aussi à la Charte du Contrôle des CAF qui interdit aux agents assermentés de porter un quelconque jugement le mode de vie des personnes contrôlées. vjp

 

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