La guerre en Ukraine fait refleurir le « coquelicot blanc »

Le mouvement pacifiste le « coquelicot blanc », fondé en 1933 par un groupe de femmes anglaises et destiné à venir en aide aux populations civiles victimes des conflits militaires, est l’un des seuls mouvements pacifistes à s’être réveillé lors du conflit opposant la Russie à l’Ukraine. Parmi les pays, où le « coquelicot blanc » est encore très actif, se trouve le Canada où il n’hésite pas à prôner un retrait de l’OTAN, une organisation qu’il accuse de propager le bellicisme et la haine entre les peuples. Dans divers journaux et magazines, il a publié une tribune libre dans laquelle il dénonce les agissements de l’organisation transatlantique et plus particulièrement sa tutelle, les Etats-Unis qui exacerbent les tensions de partout dans le monde pour écouler leurs armes au détriment des populations les plus vulnérables. Cette tribune que nous reproduisons ci-après a été diffusée avant le dernier sommet de l’OTAN qui s’est déroulé à Madrid mais après que la Suède et la Finlande ont rejoint l’organisation. Si le mouvement est représenté dans la plupart des pays du Commonwealth, il est très actif dans la province du Québec où il est doté d’un collectif de trente trois associations agissant pour la paix dans le monde. Le « coquelicot blanc » compte dans ses rangs des personnalités québécoises très connues à l’instar de l’auteur et humoriste, Christian Vanasse, de l’illustrateur de livres pour enfants, Jacques Golstyn, de l’écrivain et scénariste, François Avard mais aussi d’un ancien militaire, Martin Forgues. Ce dernier après avoir été engagé dans les conflits en Bosnie et Afghanistan a abandonné l’uniforme pour se consacrer à l’écriture. Devenu journaliste indépendant, il est l’auteur d’un ouvrage intitulé « L’Afghanicide – Cette guerre qu’on ne voulait pas gagner», dans lequel il s’interroge sur la mission des Forces armées canadiennes en Afghanistan qui a coûté la vie à plus de 150 soldats canadiens et causé sur place d’irréparables dégâts.

Pour la paix, exigeons que le Canada

se retire de l’OTAN

Un survol historique rapide suffit pour constater que l’attachement de l’OTAN — et de leur chef de file, les États-Unis — envers la démocratie et les droits de la personne relève d’une propagande entretenue plus que de la réalité.

Les 29 et 30 juin prochains, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) tiendra un Sommet à Madrid. « Communauté de valeurs unique en son genre, attachée aux principes de la liberté individuelle, de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit », l’OTAN présente « son rôle unique et essentiel » comme étant de garantir la défense et la sécurité de ses pays membres (Concept stratégique, 2010). Mais cette Organisation est-elle vraiment ce qu’elle prétend être et sa consolidation peut-elle nous apporter paix et sécurité ?

Christian Vanasse

Un instrument hégémonique

De 1949 à 1989, se présentant comme un rempart du monde libre face à la menace du communisme, l’OTAN a d’abord et avant tout été un instrument d’intégration de l’Europe occidentale à la stratégie mondiale de guerre froide des États-Unis contre l’URSS. Puis, après la dissolution de l’URSS, les États-Unis ont cherché à maintenir cette intégration de l’Europe de l’Ouest à leur nouvelle stratégie mondiale et l’ont étendue aux pays d’Europe de l’Est et même à certaines des ex-républiques soviétiques. Cette expansion de l’OTAN jusqu’à ses portes représente, pour la Russie, une menace sécuritaire indéniable, qui a été un des facteurs déterminants de l’actuelle guerre en Ukraine.Au cours des trente dernières années, le terrain d’action de l’OTAN est passé de l’Atlantique Nord au monde entier. Dès 2007, Daniel Fried, secrétaire étasunien d’État adjoint aux affaires européennes et eurasiennes, disait : « l’OTAN s’est transformée en une organisation transatlantique effectuant des missions globales, de portée globale avec des partenaires globaux […]. Tout appartient potentiellement à la zone de l’OTAN ».

Une alliance guerrière

Bien loin de n’être qu’une alliance défensive, l’OTAN a été à l’origine de deux guerres : la guerre du Kosovo (1999) et la guerre en Afghanistan (2001-2021). En 2011, l’OTAN a aussi lancé une guerre contre la Libye, qui a plongé le pays dans le chaos jusqu’à aujourd’hui. Et c’est compter sans les guerres en Irak et en Syrie, auxquelles un grand nombre de pays de l’OTAN se sont empressés de participer.

En 2021, les dépenses militaires des membres de l’OTAN (30 pays) ont représenté plus de la moitié du total mondial, qui s’est élevé à 2113 milliards de dollars américains. À elles seules, les dépenses militaires des États-Unis ont constitué 38 % des dépenses mondiales, soit plus que le total combiné des neuf autres pays en tête de liste, y compris la Chine (14 %) et la Russie (3,1 %). En ce qui concerne le commerce mondial des armes, pour la période de 2016 à 2020, six des dix principaux pays exportateurs sont des membres de l’OTAN, ce qui totalise près de 60 % des ventes.

Jacques Goldstyn
François Avard

Droits de la personne

Un survol historique rapide suffit pour constater que l’attachement de l’OTAN — et de leur chef de file, les États-Unis — envers la démocratie et les droits de la personne relève d’une propagande entretenue plus que de la réalité. Dès 1949, l’OTAN a inclus le Portugal, où sévissait la dictature de Salazar, parmi ses membres fondateurs. Dans de très nombreux pays, la lutte contre le communisme a simplement servi de prétexte pour empêcher par tous les moyens les courants politiques de gauche d’accéder au pouvoir.

Ainsi en est-il de la dictature des colonels en Grèce, qui n’a aucunement remis en question la participation du pays à l’OTAN. Et de toutes ces dictatures militaires en Amérique latine (Paraguay, Guatemala, Nicaragua, Bolivie, Brésil, Honduras, Chili, Uruguay, Argentine, Salvador, etc.) que les États-Unis ont soutenues et même installées au pouvoir dans les années 1960, 1970 et 1980.

Au cours des dernières années, on peut aussi vérifier le vide de cet attachement à la démocratie et aux droits de la personne, notamment dans leur collaboration étroite avec des seigneurs de guerre en Afghanistan ou des modérés affiliés à al-Qaïda en Syrie, et dans leur pratique systématique de la torture contre le terrorisme à Guantanamo Bay, à Abou Ghraïb (Irak), à Bagram (Afghanistan) et dans les nombreux sites secrets de la CIA.

Politique nucléaire suicidaire

L’OTAN a beau affirmer vouloir « créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires », cela sonne bien creux quand son « Concept stratégique » affirme par ailleurs que la « garantie suprême de la sécurité des Alliés est apportée par les forces nucléaires stratégiques de l’Alliance, en particulier celles des États-Unis ». De quel droit peut-on alors vouloir empêcher les autres pays de se doter eux aussi de cette garantie suprême ? Et comment une menace d’anéantissement de l’humanité assure-t-elle notre sécurité ?

Le 22 janvier 2021, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) est entré en vigueur. Suivant le mot d’ordre des États-Unis, aucun des trente pays membres de l’OTAN ne l’a signé.

Martin Forgues

Le Canada et l’OTAN

Le Canada, proche allié des États-Unis au sein de l’OTAN, y joue un rôle important par sa participation aux guerres, ses rôles de commandement à divers égards et son appui à la politique nucléaire de l’OTAN. Dans la guerre actuelle en Ukraine et la crise qui l’a précédée, le Canada a été un des pays qui — avec les États-Unis et le Royaume-Uni — ont préféré la confrontation à la négociation : insistance pour que l’Ukraine et la Géorgie soient admises à l’OTAN, direction du « Groupement tactique de la présence avancée renforcée » de l’OTAN en Lettonie (aux portes mêmes de la Russie), déclarations fracassantes selon lesquelles l’agression de l’Ukraine représente une menace pour le monde entier et donne lieu à un génocide… Il n’y a vraiment rien là-dedans pour encourager les voies diplomatiques.

Le Sommet à venir

Lors du Sommet de l’OTAN, on aura droit, à nouveau, à la détermination proclamée de l’alliance à protéger la démocratie et l’État de droit et à l’annonce de l’adhésion accélérée de la Finlande et de la Suède. Les États-Unis, qui ont déjà, depuis 2018, remplacé la guerre contre le terrorisme comme axe principal de leur stratégie de défense par la compétition stratégique avec la Chine (surtout) et la Russie, verront enfin l’OTAN — y compris les récalcitrants qu’étaient jusqu’à récemment l’Allemagne et la France — leur emboîter le pas.

La logique simpliste opposant les bons (Occidentaux) aux méchants (Chinois et Russes) voudrait nous voir resserrer les rangs derrière l’OTAN. Mais comment cela peut-il vraiment être garant de notre sécurité ? Quand l’OTAN est dominée par les États-Unis, un pays dont l’hégémonie mondiale est contestée, mais surtout — et c’est ce qui devrait nous inquiéter — un pays qui est prêt à tout pour préserver son hégémonie, allant même jusqu’à déclarer que « si la dissuasion échoue », son armée « est prête à gagner ». Comment l’exacerbation des conflits, une nouvelle course aux armements, la modernisation des arsenaux nucléaires et le maintien du Canada dans l’OTAN peuvent-ils nous assurer sécurité et paix ?

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