Guerre en Ukraine : un ancien conseiller d’Helmut Kohl s’exprime

Horst Telschik: il jette une regard lucide sur le conflit ukrainien

Allemagne/Ukraine/Russie – Horst Teltschik a fait partie des plus proches conseillers d’Helmut Kohl et ce, dès 1972, c’est-à-dire dix ans avant que l’ancien Chancelier, accède à la fonction de ministre-président de la République Fédérale. Homme de l’ombre, Hors Teltschik a joué un rôle de premier plan dans la réunification de l’Allemagne et les difficiles négociations avec les dirigeants de l’ex-URSS. De 1999 à 2088, il a dirigé la Conférence de Munich sur la Sécurité, une fonction qui lui a permis d’appréhender les nouveaux rapports de force consécutifs à la levée du Rideau de Fer. Amené à côtoyer les quatre prédécesseurs de Vladimir Poutine, Horst Teltschik, prend le recul nécessaire à la compréhension du conflit qui oppose actuellement la Fédération de Russie à l’Ukraine.

De la « guerre froide » à « la paix froide »

Dans une interview qu’il a accordée récemment à la plate-forme web.de, il jette un regard lucide sur les belligérants qui, quels qu’ils soient, portent leur part de responsabilités dans le situation actuelle et selon lui, les puissances occidentales vont devoir s’habituer après quarante années guerre froide et un intermède de trois décennies à une nouvelle ère, celle de la « paix froide ». A la question de savoir s’il ne s’était pas égaré, il y a trois ans en déclarant que Vladimir Poutine était un « interlocuteur charmant, ouvert et franc », Horst Teltschik répond: « Je ne me suis pas trompé car à ce moment-là, il était comme ça. Il était très amical et un hôte aimable lorsque nous lui avons rendu visite à plusieurs reprises en Russie après son élection à la présidence en 2000. Dans son discours devant le Bundestag allemand, il avait qualifié le Russie de pays européen accueillant. Personne ne disait à l’époque « Méfiez-vous de Poutine, c’est un dictateur belliqueux » . Le processus de développement drastique n’était pas envisageable. On peut bien sûr dire que cette évolution était prévisible compte tenu de son passé au KGB mais mes propos s’en référaient à l’expérience directe de mes rencontres avec lui et là, il était un interlocuteur normal, ouvert et prêt à discuter et on espérait donc pouvoir développer des relations raisonnables avec lui. » L’ancien conseiller d’Helmut Kohl a sa propre opinion quant au virage pris par Vladimir Poutine quelques années après son intervention eu Parlement allemand. « Ce qui s’est passé, rappelle-t-il, c’est qu’un certain nombre d’anciens pays du pacte de Varsovie sont devenus membres de l’OTAN. De mon point de vue, il aurait fallu s’interroger à savoir si la voie le plus raisonnable n’était pas de chercher d’abord à devenir membre de l’Union Européenne. Là, il y aurait eu également une garantie de sécurité, car chaque pays membre de l’UE est tenu, en cas de crise militaire, de se tenir aux côtés de son allié. Cela n’existe pas seulement dans l’OTAN. Parallèlement, il aurait fallu poursuivre la mise en place d’une zone de libre-échange intégrant la Russie ».

Horst Teltschik a été le compagnon de route et l’éminence grise d’Helmut Kohl pendant toute la carrière politique de l’ancien Chancelier et participé à toutes les négociations engageant l’avenir de l’Allemagne, de la Russie et de l’Europe.

Horst Teltschik n’a jamais oublié cette période intense de dialogue pacifique qui s’était instaurée lorsque Bill Clinton et Boris Eltsine étaient aux commandes des deux puissances, le premier proposant au second une adhésion à l’OTAN. « J’ai moi-même assisté à des discussions au Kremlin où on était ouvert à devenir membre de l’organisation politique de l’OTAN. Cela n’a pas été poursuivi par la suite mais il y a eu l’acte Otan-Russie puis le conceil OTAN-Russie et je n’ai jamais compris pourquoi le secrétaire général de l’OTAN n’a pas convoqué ce conseil en situation de crise. Si cela a été fait, c’est uniquement au niveau des ambassadeurs qui, de toute façon, ne peuvent pas prendre de décisions. » Dans cette interview, Horst Teltschik revient naturellement sur les relations qu’entretenait Helmut Kohl avec les autorités soviétiques dont on ne peut pas dire qu’elles aient toujours été au beau fixe. Le Chancelier allemand était en fonction depuis à peine six semaines lorsque Leonid Brejnev est décédé. Il s’est retrouvé face à deux successeurs, Youri Andropov et Konstantin Tchernyenko, qui, eux, disparurent au bout de quatorze mois de pouvoir. Lorsqu’en 1985, Mikhaïl Gorbatchev succède à Tcherneynko, le nouveau maître du Kremlin demeure intransigeant : les relations germano-soviétiques ne pourront pas se développer tant que le RFA accueillera sur son sol des missiles américains. Le Chancelier est alors intervenu auprès du président américain Ronald Reagan ; lequel a accepté de négocier avec les soviétiques. « Vous ne pouvez pas prévoir ce genre de chose, précise Horst Teltschik, vous devez parler aux chefs d’Etat ou de gouvernement, que vous le vouliez ou non et quels qu’ils soient. J’ai toujours dit qu’il valait mieux parler que de se casser la tête » Horst Telschik se souvient que Gorbatchev lui avait dit un jour que « s’il n’avait pas eu confiance en Helmut Kohl et George Bush, beaucoup de choses auraient été différentes. Vous devez proposer quelque chose de vérifiable afin que l’autre partie ait le sentiment que vous tenez vos promesses. La confiance est la base des affaires. Actuellement, les relations entre Poutine et l’Occident sont plus ou moins mortes. »

Merkel-Poutine : une confiance mutuelle

Le problème qui se pose à l’heure actuelle provient du fait qu’il n’y a plus en occident de personnalité suffisamment fiable pour que le confiance s’instaure entre les deux camps. Et le conseiller de Kohl, de regretter les départ d’Angela Merkel qui  « était la seule en occident à pouvoir appeler Vladimir Poutine à tout moment pour lui parler ou le rencontrer. Malheureusement, nous n’avons jamais su de quoi elle parlait en détail avec lui  mais, par exemple, elle a obtenu les accords de Minsk en 2015. Elle a pris le président Hollande par la main et l’a emmené à Moscou puis ils ont continué avec Poutine jusqu’à Minsk et après 17 heures de négociations, l’accord a été conclu. Le problème jusqu’à la fin, c’est que toutes les parties n’ont pas respecté cet accord, y compris les Ukrainiens. » Il manque assurément aujourd’hui en Europe occidentale de dirigeants dont le seule aura inspire la confiance. A force de vouloir hisser au pouvoir à tout prix des personnes jeunes et dynamiques le Vieux Continent a perdu une partie de sa sagesse qui a longtemps garanti ss force, son autorité et son respect. En observant les relations est-ouest dans son ensemble, Horst Leltschik constate que « la sécurité et la défense ont toujours été les deux faces d’une même médaille. C’est sur cette base que Willy Brandt a repris la vieille proposition soviétique de créer une conférence sur la sécurité et la coopération en Europe bien que Brejnev ait écrasé par le sang le Printemps de Prague avec des Chars. On a donc toujours essayé de mener une politique de détente et de coopération, en quoi cela est-il mauvais ? Helmut Kohl a poursuivi dans cette voie et a ainsi pu réaliser l’unité allemande . Personne n’aurait cru que cela allait être possible et en ce qui concerne l’approvisionnement en énergie, même pendant les nombreux moments forts de;la guerre froide, les Soviétiques ont toujours fourni du gaz naturel de manière fiable et personne ne s’en est plaint, ni ne s’est énervé. » pg5i / vjp

 

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