Grâce à la guerre, l’Ukraine devient audible !

Ukraine/Russie/UE – Andreas Umland, expert au sein du Stockholm Centre for Eastern European Studies (SCEES)*, a publié récemment une analyse sur l’avenir de l’Ukraine et le rôle fondamental que ce pays pourrait jouer dans l’avenir de l’Europe. Grâce à sa capacité de résistance face à son puissant voisin russe, il a acquis une reconnaissance internationale dont il pourrait faire usage pour reconfigurer le paysage européen. En reconnaissant le statut de candidats à l’UE, les chefs d’Etat allemand, français, italien et roumain ont accéléré le processus d’adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie mais il n’en demeure pas que le chemin qui reste à accomplir s’annonce long et laborieux. « La principale tâche à laquelle sont confrontés ces deux pays , et la Géorgie avec son statut légèrement inférieur, va consister à poursuivre le travail des six dernières années c’est-à-dire la mise en œuvre des accords d’association signés avec l’UE en 2014 et entrés pleinement en vigueur en 2016 » écrit Andreas Umland qui insiste sur le fait que l’Ukraine est des trois candidats de loin le plus puissant et qu »il a la capacité de jouer un rôle dans « le concert des puissances occidentales ». « Grâce à son potentiel, ajoute-t-il, l’Ukraine devrait chercher à innover en matière de convergence avec l’UE. ».

Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine : grâce à sa capacité de résistance, il a fait de son pays un symbole de courage et de détermination qui a sa place dans le « concert des puissances occidentales ».

Des structures dispendieuses : pour qui ? pour quoi ?

Et l’expert de s’interroger à savoir s’il ne serait pas judicieux que le pays intègre dans un premier temps une ou plusieurs des structures déjà existantes. Et l’expert du SCEES d’en citer pas moins de dix dont plus 90% des Européens ignorent probablement qu’elles ont été créées, encore moins à quoi elles servent exactement et comment elles ont été gérées. Andreas Umland juge utile de les citer. Il s’agit du Conseil de Coopération Régionale, de l’Accord de Libre Echange centre-européen, de l’Initiative Régionale de Lutte contre la Corruption, du Réseau de Santé de l’Europe du Sud-Est, du Centre de Répression de l’Europe du Sud-Est, du Centre de Coopération pour la Sécurité , de l’Initiative de Réforme de l’Education pour l’Europe du Sud-Est, de l’Ecole Régionale d’Administration Publique, du Centre Entrepreneurial de l’Europe du Sud-Est et enfin du Centre d’Excellence pour la Finance. Une fois un cadre de collaboration défini avec ces organismes qui, tous, vont vouloir apporter leur grain de sel pour justifier leur existence, le gouvernement ukrainien va devoir s’atteler au dossier hautement sensible qu’est celui du droit du travail et plus particulièrement celui qui concerne les ressortissants des pays de l’Union Européenne mais aussi d’autre territoires, tels les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la Norvège, l’Australie et la Suisse. Dans le domaine de l’emploi, le président ukrainien qui se réjouit de la candidature de son pays à ‘Union prend toutefois le risque de voir sa propre main d’oeuvre s’échapper à l’ouest où des conditions de travail et des rémunérations plus attractives lui seront proposées et où elle sera accueillie les bras ouverts. Un des moyens le plus rationnel pour éviter toute forme de déséquilibre social et économique consisterait à faire de l’Ukraine le pivot de l’Europe du Sud-Est tout en devenant le porte-parole de ses voisins moldave et géorgien. « Les fonds de reconstruction de l’Ukraine pourraient être utilisés non seulement pour soutenir les réformes générales et les ajustements du processus d’adhésion mais aussi pour étendre géographiquement et techniquement les projets d’infrastructures et d’énergie de l’initiative des trois mers en Europe Orientale et dans la région de la mer Noire » estime Andreas Umland qui recommande par ailleurs de consacrer une partie des sommes allouées à l’Ukraine à la création « d’une assurance contre les risques politiques pour les investisseurs étrangers et ce, par le truchement de l’Agence Multilatérale de Garantie des Investissements du groupe de la Banque Mondiale. » Mais ce qu’il faut déjà retenir du conflit russo-ukrainien alors même qu’il n’a pas encore trouvé son épilogue, est le fait qu’il a rendu audible un homme, Volodymyr Zelensky,qui, il y a à peine un an, était totalement inconnu sur la scène internationale. A cet aspect inédit, est venu se greffer la force que représente l’Ukraine dans le domaine des ressources naturelles. Qui savait, il y a six mois  qu’en bloquant le port d’Odessa, on prenait le risque d’affamer la moitié de la population mondiale. Ces deux considérations conjuguées font dorénavant de Volodymyr Zelensky un homme incontournable que tous les hommes d’Etat occidentaux sont priés de respecter. « La voix de l’Ukraine et en particulier celle du président Zelensky se fait acyuellement entendre bien au delà de l’Europe et le pays devrait profiter de ce moment historique étrangement prometteur pour faire pression en faveur de la création d’une nouvelle structure pan européenne dans son intérêt et celui de l’Occident tout entier. » Les dirigeants occidentaux ont eu beau s’apitoyer sur le sort du peuple ukrainien, il est toutefois peu probable qu’ils soient en mesure de régler le conflit avec la Russie. Conscients qu’il va falloir désormais composer avec l’Ukraine, ces mêmes dirigeants proposent des solutions irréalistes voire farfelues à l’instar de cette Communauté Géopolitique Européenne (CGE) évoquée par le président du Conseil Européen, Charles Michel, « allant de Reykjavik à Bakou ou Eravan et d’Oslo à Ankara. » On ose imaginer dans quelle fournaise on jetterait les peuples européens, si un tel projet voyait le jour ! Voyant arriver le péril en leur demeure, la plupart des occidentaux perdent le sens de la réalité en s’imaginant qu’un monde sans la Russie est possible. C’est peut-être vrai et possible pour certains d’entre eux mais ce ne le sera pas de sitôt pour le trio candidat à l’UE et plus particulièrement pour l’Ukraine qui partage plus de 1.500 kilomètres de frontières avec la Fédération de Russie. Par ailleurs, Kiev doit composer depuis son indépendance à un exode de grande ampleur de sa population. En l’espace de trente ans, elle a perdu plus de quinze millions d’habitants. Pour que le président Zelensky réussisse le redressement de son pays, l’Union Européenne devrait tout mettre en œuvre pour inciter les Ukrainiens en poste à l’étranger à revenir dans leur pays. Volodymyr Zelensky n’a pas seulement besoin d’investisseurs étrangers, il a surtout besoin de sa diaspora. (Source: SCESS / Adaptation en français : pg5i / Nombre de mots : 1.134)

* Le Stockholm Centre for Eastern European Studies (SCESS) mène des analyses pertinentes pour les politiques sur la Russie et l’Europe de l’Est et sert de plateforme et de lieu de rencontre pour les discussions et les échanges nationaux et internationaux sur la Russie et l’Europe de l’Est.

Andreas Umland, né en 1967 à Jena (ex-RDA), est l’un des plus grands politologues allemands. Spécialisé dans les relations entre la Russie et les pays d’Europe Orientale, ses analyses, expertises et ouvrages, généralement disponibles en russe, anglais et allemand font l’objet d’une attention particulière de la part des dirigeants européens.Il est un des collaborateurs attitrés du SCEES.

 

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