De « petits » milliards pour les startups allemandes

Allemagne – Après des mois de négociations avec le syndicat professionnel des dirigeants de start-ups (BDS : Bundesverband Deutsche Startups) , le gouvernement fédéral est parvenu à mettre sur pied un fonds d’investissement, intitulé « fonds du futur » (Zukunftfonds), d’un montant de dix milliards d’euros. Cette enveloppe sera répartie entre les principaux organismes qui sont déjà  chargés du financement du développement et de l’innovation dont la banque KfW, le fonds d’investissement européen et les deux fonds HTGF (High-tech Gründerfonds)  et Coparion, opérationnels depuis plusieurs années dans le financement d’outils numériques. La plupart des start-ups allemandes n’a pu se maintenir sur le marché que grâce à des capitaux étrangers . Une réalité qui a contribué à ternir l’image du « Made in Germany ».  Ce fut le cas notamment de N26, de Auto1 et de Tier Mobility, spécialisée dans la location de deux roues électriques (trottinettes et scooters)  En donnant lui-même l’exemple, l’Etat espère rassurer les investisseurs potentiels et les plus optimistes de ses représentants estime qu’un décuplement à moyen terme du fonds n’est pas à exclure, ce qui permettrait à l’Allemagne de s’aligner sur les leaders du marché dans ce domaine, dont le Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon. Les dirigeants allemands sont longtemps partis du principe que le financement de l’innovation était du ressort des entreprises et plus particulièrement des grands groupes industriels et non de l’Etat. Or, il s’avère que les plus emblématiques d’entre eux ont cumulé les erreurs au lieu de se préparer au futur et rivaliser intelligemment avec leur concurrents directs. Au moment même où Volkswagen utilisait ses recherches pour duper ses clients en trafiquant ses moteurs diesel, Elon Musk investissait des centaines de millions d’euros dans SpaceX ou les voitures autonomes. Alors que Tesla, Ford et General Motors n’ont eu de cesse de se rapprocher d’opérateurs numériques pour s’adapter aux futurs enjeux de la mobilité, les marques emblématiques allemandes que sont BMW, Daimler Benz et VW, les seules à incarner réellement le « Made in Germany »,  assistaient passivement à la révolution qui s’annonce et qui va consister à permettre à tout un chacun de se déplacer 24 heures sur 24 et sept jours sept avec une voiture sans être obligé d’en posséder une.

Elon Mask , visitant à Berlin le chantier de sa Gigafactory  : ses velléités d’expansion ne sont contestées que par quelques milliers d’écologistes qui lui reprochent la déforestation et l’usage excessif d’eau. Mais les pouvoirs publics allemands et les institutions européennes, séduits par le nombre d’empois créé,  lui ont fait tellement de concessions qu’on a du mal à imaginer un seul instant qu’il ne puisse  arriver à ses fins, faire de Berlin le plus grand pôle de construction automobile européen.        

Le « Made in Germany » mis à mal par le numérique

Ce trio de géants a pris le train en marche dans le tout électrique et promu les véhicules hybrides qui ne contribuent que partiellement à la lutte contre le réchauffement climatique et ne résolvent en rien les problèmes de stationnement et de circulation dans les espaces urbains et plus particulièrement les centres villes que de plus en plus de maires envisagent d’aménager en espaces piéton ou cycliste. Les détenteurs de l’économie allemande n’ont cessé au cours des vingt dernières années de vivre et d’évoluer avec leur passé, leurs traditions et leurs savoir-faire spécifiques   sans mesurer les impacts du numérique. Le nouveau pdg de Daimler Benz, Ola Källenius, a annoncé en octobre dernier un ambitieux programme destiné à faire de Mercedes le leader mondial de la voiture électrique haut de gamme mais ce, quatre mois après que Tesla eut atteint une capitalisation de 460 milliards de dollars, soit sept fois plus que Porsche, Ferrari et Aston Martin réunis. Les recherches du constructeur américain assurent à son modèle de base,  Model 3, une autonomie de 409  kilomètres, soit 80 de plus que le modèle „ID.3 1st“ du groupe Volkswagen. Ce dernier, grâce à ses cinq marques, VW, Audi, Porsche, Seat et Skoda, a écoulé l’an dernier onze millions de véhicules, soit un léger plus de 1,3% par rapport à l’année précédente, dotés à 98,7% de moteurs à combustion classique, essence et diesel. Pour rassurer ses actionnaires, Volkswagen met en avant son important réseau de concessionnaires, la fiabilité de ses service-après vente et l’image historique de la marque mais ces arguments ne pèsent plus très lourd face aux atouts de Tesla qui mise de son côté sur des show-rooms situés dans quelques villes triées sur le volet, habités par une clientèle potentielle à très hauts revenus. Les modèles les moins chers peuvent, quant à eux, être commandés directement par Internet auprès du constructeur, ce qui réduit considérablement les coûts de gestion.  Tesla a paradoxalement battu tous ses records en bourse en juin dernier lorsque la pandémie laissait suggérer qu’on allait vivre le premier grand clash boursier du siècle. Dans ce contexte le « fonds du futur » ne signifie plus grand-chose, d’autant qu’Elon Musk s’apprête à investir plus de 40% de ce montant dans sa seule Gigafactory de Berlin. Ce n’est pas pour rien qu’il reçoit aujourd’hui l’Award Axel Springer, récompensant les dirigeants les plus visionnaires. kb (Adaptation en français :  pg5i/vjp)

 

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