De la froideur de la guerre à la tiédeur de la paix

Allemagne/Europe Centrale – En offrant la liberté de circuler aux Allemands de l’ex-République Démocratique Allemande, on leur a ôté celle de travailler et c’est la raison pour laquelle le bilan des trente années de réunification demeure mitigé, que la société est toujours divisée et qu’il faudra encore plusieurs générations pour que le pays soit réellement équilibré. Certes les centaines de milliards d’euros qui ont été investis ne l’ont pas été pour des prunes mais il n’en demeure pas moins que les fruits récoltés ont encore un goût amer et qu’on n’en est encore qu’à mi-chemin d’un long processus de développement qui laisse beaucoup à désirer. S’il est un pays où il faut se méfier des données et statistiques officielles , c’est bel et bien l’Allemagne « réunifiée » dont les dirigeants ont l’habilité de les interpréter à leur convenance pour masquer la réalité. Se vanter que le taux chômage à l’est est passé de plus de 18% à moins de 7% en l’espace de trente ans ne signifie plus grand-chose, si on ne précise pas que cette chute est principalement due à une fuite des travailleurs de l’est à l’ouest. Tous ceux qui n’ont pas eu la chance de trouver un emploi de l’autre de la nouvelle frontière séparant les riches des pauvres perçoivent toujours des rémunérations de 15 à 30% inférieures à celles de leurs collègues occidentaux. Mais le chiffre le plus inquiétant qui explique la montée en puissance des formations d’extrême-gauche et d ‘extrême droite concerne les bénéficiaires du Hartz IV, pendant allemand du RSA français. Plus de 50% des Allemands de l’est touchaient, en juin dernier, cette allocation depuis plus de cinq ans, ce qui signifie qu’aucun d’entre eux n’a une chance de retrouver sa place dans le monde du travail. Ce n’est plus du chômage de longue durée mais de la précarité éternelle. Ces personnes qui , aujourd’hui, ne survivent que grâce à des minima sociaux vont devoir, demain, se contenter d’une retraite de misère. Officiellement, le revenu moyen d’un Allemand de l’est est de 15% inférieur à celui d’un Allemand de l’ouest, différence qui serait compensée, dit-on dans la sphère gouvernementale, par un niveau de vie moins élevé à l’est qu’à l’ouest, ce qui est vrai pour les personnes habitant dans les grandes villes, mais ne l’est plus lorsqu’on vit loin des métropoles, dans cette Allemagne de l’est profonde qui a le sentiment que le tournant historique l a oubliée. Toutes les études d’opinion révèlent que seuls 38% des Allemands de l’est sont satisfaits de la réunification, un pourcentage qui chute à 20% chez les moins de 40 ans ce qui tend à prouver que les héritiers du communisme ne sont déjà plus en mesure d’apprécier la chance qu’ils ont en pouvant vivre librement. Est-ce parce qu’elle est logiquement usée par quatorze années de Chancellerie ? Est-ce parce que la femme qu’elle aimerait voir la remplacer à cette fonction ne cesse de chuter dans les sondages ? Est-ce parce qu’elle se sent de plus en plus isolée dans une Europe qui ne cesse de se fracturer ? Toujours est-il qu’Angela Merkel n’a pas célébré la 30ième anniversaire de la Levée du Rideau de Fer avec l’enthousiasme qu’on attendait d’elle. Nul besoin d’être un fieffé psychologue pour se rendre compte que son regard et son attitude lors des cérémonies d’hommage étaient davantage empreint de tristesse et d’amertume que de joie et d’espoir. vjp

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