Ce qui nous manque ? La sagesse et la solidarité européenne

Konrad Adenauer et Charles de Gaulle auraient vraisemblablement de conserve lutté contre la pandémie  

Allemagne/France/République Tchèque/Monde – Il n’est pas nécessaire de sortir diplômé d’une grand école d’administration pour prévoir qu’en décuplant le nombre de tests, on allait automatiquement constater un nombre élevé de personnes infectées. Plus on analyse l’évolution d’une maladie, qu’elle soit ou non contagieuse, plus fine en devient sa connaissance. S’il venait à l’idée des autorités sanitaires d’obliger tous les fumeurs à se faire radiographier les poumons, on apprendrait alors que des dizaines de millions d’individus sont potentiellement cancéreux. Depuis le début de la pandémie, on nous prive d’une vie sociale normale fondée sur la famille et le travail pour, nous dit-on, protéger les personnes vulnérables, c’est-à-dire celles dont le système immunitaire est déjà fragile ou susceptible de le devenir. Si on ne connaît pas avec exactitude les origines du coronavirus, en revanche, on a identifié depuis belle lurette les maladies qui affaiblissent l’immunité et comme elles sont multiples et variées,  il est donc tout à fait logique que le nombre de tests positifs soit inquiétant. Une personne vulnérable est une personne qui se nourrit mal, qui ne dort pas assez, qui reste trop longtemps assise, qui boit trop d’alcool, qui fume plus de dix cigarettes par jour, qui procrée ou qui vit trop longtemps. Il est, là, inutile de faire de longues études de médecine pour comprendre comment et pourquoi un parent ou un ami proche nous a quittés.

Une indispensable carte sanitaire chiffrée

L’auteur de ces lignes vit et travaille à Saint-Etienne, classée en zone rouge et s’il ne remet pas en doute la dangerosité potentielle du coronavirus, il s’interroge toutefois sur la manière dont elle est observée et interprétée. Aux annonces alarmistes, il préfère la réalité des faits. Il a passé au crible les pages « nécrologie » publiées dans l’édition du week-end  du quotidien La Tribune. Sur les 33 avis de décès de ce dimanche 18 octobre, il a dénombré 17 hommes et 16 femmes qui ont respectivement cumulé 1.327 et 1.488 années de vie, soit une moyenne de 78 et 93 ans. Seuls trois hommes étaient âgés de moins de 70 ans et pour deux d’entre eux, était mentionnée cette hypocrite, sempiternelle mais honnête formule : « décédé des suites d’une longue et cruelle maladie ». Le mot « coronavirus » n’apparaît sur  aucun des avis de décès ce qui paraît insolite dans une agglomération « potentiellement dangereuse » mais cette occultation peut s’expliquer de trois façons : soit les familles ont honte de cette maladie, ce qui a été la cas hier lors de la propagation de ce fléau de mauvaise réputation qu’a été le sida et l’est encore aujourd’hui avec Parkinson et Alzheimer , soit elles ont peur d’être mises en quarantaine, soit elles ont conscience que leur défunt ou défunte était un mort-vivant en sursis. Sur les 36.000 communes françaises, on en compte que 941 où vivent plus de 10.000 habitants. Il ne devrait pas être très difficile de trouver dans chacune d’entre elles un personne qui serait chargée d’effectuer chaque jour un tel décompte et de centraliser les données, afin que nous puissions connaître avec précision le nombre de personnes vivant dans les zones de vulnérabilité maximale. On aurait alors la confirmation, comme on le constate à ce jour, que le virus ne se propage pas seulement dans les endroits clos mais dans des lieux où on ne l’attendait pas. L’institut Robert-Koch lance une nouvelle alerte en Allemagne lorsqu’il constate  une augmentation de 25 nouvelles infections par semaine et par groupe de 100.000 habitants. Il n’est donc par étonnant qu’en partant sur une telle base, plus de la moitié du territoire passe en zone sensible. A force de vouloir défier la mort en la retardant, les scientifiques et les dirigeants contribuent à une augmentation considérable de victimes collatérales dont il est déjà impossible de calculer le nombre. L’urgence, à l’heure actuelle, ne consiste pas à limiter la propagation du virus par des mesures dont on peut douter de leur efficacité, mais de donner les moyens dont ils ont besoin aux professionnels de santé. Pour éviter que le nombre de décès augmente, il ne suffit pas de construire des hôpitaux en plein air  ou de transformer un palais des expositions en lazaret, comme le fait actuellement la capitale tchèque , mais il faut envisager la réouverture d’hôpitaux de proximité fermés au nom de l’austérité et veiller à équiper tous les établissements hospitaliers existants en un nombre suffisant d’appareils respiratoires.

Markus Waghubinger (hallosophia), Gabriella Marcelja (Global Sirius), Klaus Luger, maire de Linz  et Victor Suturin (PolyVent) lors de la présentation du prototype de respirateur lowcost Polyvent (Photo: ville de Linz)

Un respirateur révolutionnaire à 1.000 euros

De cette urgence une équipe de chercheurs en provenance de quinze pays, en a eu conscience lorsqu’ils ont été choqués de voir des malades atteints du coronavirus patientant et parfois mourant sur les trottoirs de villes italiennes avant de pouvoir être soignés. Ces chercheurs ont alors décidé de mettre en commun leur compétence, se sont regroupés dans la ville de Linz en Autriche, dotée d’une pépinière d’entreprises où se concentre toutes les nouvelles technologies et sont parvenus en l’espace de quinze jours à fabriquer un prototype de respirateur dont le coût ne dépassera pas les 1.000 euros, soit cinquante fois moins que le prix moyen en vigueur dans les hôpitaux en Europe. Le maire de Linz, Klaus Luger, n’a pas attendu les aides européennes pour soutenir ce projet. Le seul handicap de ce respirateur low-cost PolyVent provient du fait, qu’il fonctionne sur une durée plus limitée que celle d’un appareil classique mais suffisamment longtemps pour sauver des vies.  En revanche, il a le double avantage de pouvoir être construit avec des matériaux, souvent recyclés, disponibles de partout dans le monde, y compris dans les pays sous-développés, terrains propices aux maladies infectieuses, et être utilisé à partir de logiciels accessibles en ligne, ce qui permet d’accélérer la formation des personnels soignants. L’Europe est un continent vieillissant, tous les Etats se doivent de regarder cette réalité en face  et se donner les moyens de la gérer. Le nombre de personnes, en France, bénéficiant du dispositif ALD (Affections de Longue Durée)  est passé de 8,3 à 10,7 millions entre 2008 et 2017, soit une augmentation proche des 30%, ce qui signifie qu’une personne sur six est atteinte d’au moins une des trente pathologies prises en considération par la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Parmi celles-ci, les maladies coronaires et cardiaques ainsi que le diabète de type 1 et 2, Alzheimer et Parkinson , en tête du classement, frappent des personnes de plus de 65 ans et les deux dernières listées de plus de 75 ans. Et c’est dans ces deux tranches d’âge qu’on déplore la quasi-totalité des décès dus au coronavirus alors qu’elles ne représentent pas la majorité des ALD, ce qui prouve que la notion de vulnérabilité est à prendre avec une extrême prudence. Dans toutes les classes d’âge sans exception, on déplore un nombre variable mais toujours conséquent de personnes fragiles.

Aides à domicile manifestant devant la Préfecture de la Loire : elles n’ont pas perçu les aides auxquelles elles estimaient avoir droit.

La mort peut être une délivrance

Selon les statistiques les plus récentes publiées par la CNAM, sur cent personnes bénéficiant de l’ALD et décédées en 2017, 13,8%, soit 49.795, étaient atteintes d’Alzheimer, et 7,8%, soit 10.132,  de Parkinson. Qui a connu les derniers mois voire les dernières années de vie d’un parent ou d’un ami atteint par l’une de ces deux pathologies (quand ce n’est pas des deux à la fois !), sait qu’il faut faire son deuil bien avant que la mort vienne frapper à la porte. Pour l’entourage et plus particulièrement les conjointes et conjoints,  la disparition de l’être aimé qui ne les reconnaissait plus est alors davantage un soulagement et une délivrance qu’un drame ou une tragédie. Il est préférable de mourir avec ses souvenirs que de survivre avec ses douleurs physiques et les souffrances psychologiques de son entourage Que nous  mourrions  d’Alzheimer à 84 ans, d’un accident vasculaire cérébral invalidant à 70 ans, de sclérose en plaques à 51 ans, du VIH à 48 ans,  d’hémophilie à 31 ans ou d’une mucoviscidose à 24 ans (*), nous sommes alors tous logés à la même enseigne et nous avons tous besoin à un moment donné ou pour toujours d’une assistance. On constate chaque jour qu’en voulant protéger certaines populations, les dirigeants  en vulnérabilisent d’autres. Les premières à observer ce phénomène sont les aides à domicile dont il a été trop peu question, alors qu’elles ont joué un rôle de premier plan dans l’encadrement des personnes les plus fragiles et, de force, les plus isolées. Dans certains territoires, à l’instar du département de la Loire, elles ont été carrément humiliées par des élus locaux qui n’ont pas jugé utile de leur accorder les aides exceptionnelles auxquelles elles avaient droit.  Elles ont été autorisées à manifester devant le Conseil Départemental mais quinze jours plus tard on apprenait par le quotidien régional que pratiquement tous les secteurs  de la santé étaient touchés  par la pénurie de personnel, infirmières et aides-soignants notamment, qui préfèrent souvent s’éloigner de ces professions plutôt que de les exercer dans des conditions indignes d’ un  pays qui se prétendait, il y a peu, être le détenteur du meilleur système de santé au monde, ce que la pandémie a cruellement démenti. En misant sur les collectivités territoriales pour sortir rationnellement de la crise, le gouvernement et son 1er ministre font preuve d’une grande naïveté. Ils se sont adressés aux maires pour faire accepter leurs mesures jacobines mais à preuve du contraire, dans les villes ce ne sont pas les élus municipaux qui nourrissent ceux qui ont perdu leur emploi ou  dont les minima sociaux ont été saisis mais les Secours Populaire ou Catholique et les Restos du Cœur, eux-mêmes contraints à la mendicité pour compléter leurs subventions.

Les Berlinois manifestent contre les mesures anti-covid mais aussi contre l’utilisation contestable des deniers publics

Complotistes ? Peut-être mais surtout lucides

Lors de la première vague, le gouvernement a jugé utile d’engager une concertation avec les maires de grandes villes alors que c’est sur  les territoires les moins peuplés, dont la Mayenne avec ses 59 habitants par km2,  que ce sont projetés tous les regards. Pourquoi le gouvernement ne s’est-il pas engagé sur un plan d’urgence à l’échelon départemental en réunissant les cent présidents de Conseils Départementaux qui tiennent les cordons de la bourse sociale et sont les seuls à pouvoir gérer et attribuer les minima sociaux ? Personne ne s’est posé la question car se la poser, c’eût été  remettre en cause cette très mauvaise habitude typiquement française qui font des mandats locaux un tremplin pour accéder à l’Assemblée Nationale ou au Sénat ou en cas d’incompétence au Parlement Européen. Si de plus en plus d’Européens mettent en doute les stratégies de lutte contre la pandémie, ce n’est pas par addiction au complot mais par lucidité à l’égard de l’usage qui est fait des deniers publics. Comment expliquer à un Italien qu’on puisse débloquer en urgence des centaines de millions d’euros pour réédifier un pont qui avait été mal construit et que, dans le même temps, on est dans l’incapacité d’en trouver une dizaine pour équiper un hôpital public et sauver des vies ? Plutôt que de perdre leur temps en cautionnant des querelles et débats stériles sur la notion d’Etat de Droit, la Commission de Bruxelles, le Parlement de Strasbourg et la Cour de Justice du Luxembourg feraient mieux  de prendre de conserve le taureau par les cornes et de mettre sur pied une politique commune de lutte contre la pandémie. Jamais les séniors encore lucides et respectueux de l’Histoire de plus de 70 ou 75 ans n’ont autant pensé aux deux édificateurs emblématiques de l’Europe qu’ont été Charles de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer. Ce qui nous manque aujourd’hui, c’est leur amour de la concision, d’une actualité troublante. Le Général avait dit à propos de  son arrivée à l’Elysée, « Le pouvoir n’était pas à prendre, il était à ramasser », de la science, « des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche »  et de la guerre « la guerre, c’est comme la chasse, mais à la guerre le lapin tire » et le Chancelier de pouvoir de lui répondre , « avec tout ce qui est dit, ce n’est souvent pas la façon dont les choses sont, mais ce que les gens malveillants en font. ». Vital-Joseph Philibert

(*) Ces chiffres correspondent à l’âge moyen des personnes décédées en 2017 par type de pathologies et sont disponibles sur le site d’Ameli

 

 

 

 

 

 

 

 

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