Autriche : des mesures radicales pour se préparer à l’après-crise

Autriche / Europe Centrale/UE – Quelle que soit la durée nécessaire à la maîtrise du coronavirus , les blessures seront plus difficiles à cicatriser dans les pays d’Europe Centrale et Orientale qu’en occident. Tous se sont pliés aux mesures amorcées en Italie et ont décidé d’imposer la quarantaine en certains lieux et de vulgariser le confinement. Et de partout, on a assisté aux mêmes scènes de panique. Qu’on soit roumain ou français, tchèque ou espagnol, hongrois ou italien, quitte à mourir, on préfère que ce soit le ventre plein et cette communion de pensée a transformé le peuple européen en une tribu de hamsters qui va préférer se nourrir de pâtes, de conserves et de surgelés au moment même où les asperges sortent de terre et les fraises commencent à mûrir. En occident, on dorlote les personnes fragiles et âgées, en Europe Centrale, on est obligé de se préoccuper de pratiquement toute la population et surtout des enfants qui étaient déjà sous-alimentés avant l’apparition du Covid 19. L’effet bénéfique de ce fléau est de mettre à jour des statistiques que personne n’avait voulu analyser car elles sont le témoin d’une réalité, en l’occurrence les inégalités fabriquées de toute pièce à l’intérieur même de l’Europe.
Confinement pour un miracle attendu
La mesure phare et unanime prise sur le Vieux Continent a consisté à confiner les citoyens mais il n’est pas certain qu’elle soit réellement efficace car des millions de citoyens européens, contraints de se déplacer d’un pays à l’autre pour travailler, survivre et nourrir leur famille, n’ont plus de réelle nationalité. C’est le cas des Tchèques, des Slovaques et des Hongrois qui traversent tous les jours les frontières avec l’Autriche et l’Allemagne, c’est aussi le cas des Ukrainiens et des Biélorusses qui en font de même avec la Pologne. Beaucoup sont des travailleurs frontaliers mais beaucoup sont aussi des résidents plus ou moins permanents qui ne sont plus forcément les bienvenus lorsqu’ils souhaitent retrouver leur terre d’origine. L’Autriche, le pays le plus au cœur du cœur de l’Europe ayant adhéré à l’Union Européen dix ans avant ses voisins tchèque, slovaque et hongrois et frontalier de l’Italie, territoire le plus touché par le virus, est de fait le plus exposé. Libéré des problèmes politiques nés d’une coalition ratée avec le parti d’extrême-droite FPÖ, le jeune Chancelier, Sebastian Kurz, désormais allié au parti écologiste, a eu toute liberté pour gérer rationnellement une crise qui, à l’instar de tous ses homologues européens, l’a pris au dépourvu. Mais dès lundi dernier, étaient disponibles sur Internet un programme d’actions portant sur trente-cinq points ou plus exactement autant de problématiques dont certaines sont spécifiques à son pays. Si les mesures de confinement sont conformes à celles désormais en vigueur dans tous les pays ( limitation forcée des contacts, travail à domicile, ouverture des seuls commerces de nécessité première, fermeture de tous les établissements publics et privés accueillant du public, suspension des cours dans toutes les écoles et universités, fermeture des stations de ski, mise en quarantaine totale des sites touristiques du Tyrol accueillant majoritairement des touristes en provenance d’Italie, report des élections régionales programmées les 15 et 22 mars dans les lands de Vorarlberg et de Steiermark, interruption temporaire de la campagne électorale liée au renouvellement du Conseil Viennois prévu en octobre prochain, report d’interventions chirurgicales non urgentes pour réserver des lits), en revanche le gouvernement a dû multiplier les mesures pour protéger son économie, fondée sur et pour le tourisme.

Protéger l’image touristique
L’Autriche se positionne en effet avec 15,4% de son PIB généré par ce secteur à la cinquième place mondiale derrière les Philippines (24,7%), la Thaïlande (21,6%) , Hongkong (17,4%) et le Mexique (17,2%) et à la première à l’échelon européen devant l’Espagne (14,6%), l’Italie (13,2%), la Turquie (12,1%), le Royaume-Uni (11%), la France (9,5%) et l’Allemagne (8,6%). Le gouvernement autrichien ne serait-il pas en mesure de gérer une crise comme celle provoquée par le coronavirus, ce serait alors toute son économie mais aussi son image à l’international et sur le long terme qui risquerait d’en subir des conséquences sur le long terme. Toutes les instances en ont conscience et toutes les structures existantes sont mises à contribution pour répondre aux urgences. 100 millions d’euros ont déjà été débloqués pour venir en aide aux hôtels qui ont perdu plus de 15% de leur chiffre d’affaires. Une première enveloppe de 10 millions d’euros est disponible pour assurer un minimum de trésorerie aux petites entreprises les plus fragilisées. Le week-end dernier, c’est-à-dire avant même que les mesures de confinement aient été décrétées, le Parlement a adopté une loi d’urgence (COVID 19 Gesetz) permettant de débloquer un fonds de quatre milliard d’euros. Sur le plan humain, la première des nécessités va consister à rapatrier le plus rapidement possible les 40.000 Autrichiens encore isolés à l’étranger. Afin que les personnes touchées par le virus puissent être soignées dans les meilleures conditions et surtout le plus rapidement possible et bien que le pays dispose d’un nombre suffisant de places en réanimation, décision a été prise de transformer un des pavillons du palais des congrès et des expositions en un hôpital d’urgence en mesure d’accueillir 880 patients, trop malades pour être traités à domicile mais pas assez pour occuper une place dans un établissement hospitalier. Cette crise née du coronavirus a l’avantage de mettre à jour une réalité qui prouve que la performance européenne ne vient pas forcément des grandes puissances comme la France dont on dit qu’il est un des moteurs du Vieux Continent et mais qui est aussi un des seuls où le « tri thérapeutique » n’est pas exclu, car il manque de lits en soins intensifs. Si la pandémie venait à s’exacerber et conduire à un nombre de victimes supérieur à celui estimé aujourd’hui à partir de son évolution en Chine, l’Autriche serait le pays le mieux doté en nombre de places en soins intensifs. La seule capitale Vienne en compte près de 600, soit 12% de la capacité dans la France toute entière. Près du quart (140 lits) se trouve dans le Centre Hospitalier Universitaire de Vienne (AKH), un des plus vieux et des plus grands hôpitaux européens. Ouvert en 1697, il emploie plus de 8.600 personnes pouvant avoir sous leur responsabilité plus de 1.700 malades. Le président du syndicat autrichien des médecins urgentistes, Klaus Markstaller (notre photo)est confiant quant au nombre d’équipements mais s’inquiète en revanche d’une possible pénurie de personnels qualifiés. Un sujet extrêmement sensible que le Chancelier Sebastian Kurz a bien l’intention de mettre sur la table lorsque les instances européennes seront amenées à dresser le bilan de cette crise sanitaire. Le chef du gouvernement autrichien n’est pas prêt de digérer du jour au lendemain le manque de concertation flagrant des pays de l’Union Européenne, notamment en ce qui concerne la libre circulation des personnes et la nécessité ou non de fermer les frontières. Il a tenu à saluer et remercier ses concitoyens pour leur civisme et leur prise de conscience face à la maladie mais il faut toutefois reconnaître que ces derniers n’avaient d’autre choix que de se plier à la règle car le montant des amendes en cas d’infractions a été fixé de manière dissuasive. Tout individu à l’origine d’un rassemblement de cinq personnes doit s’acquitter sur le champ de 1.450 euros et prend le risque, en cas ce contestation, de se retrouver un mois derrière les barreaux. vjp

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             

 

 

 

 

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