Allemagne : masques sanitaires et turpitude politique

Allemagne – Le fait que deux membres du Bundestag aient perçu plusieurs centaines de milliers d’euros de commission pour l’achat de masques de protection contre le coronavirus et qu’il ait été tenté de cacher ces malversations au grand public, ne manque pas de semer le trouble dans l’opinion allemande, d’autant que les deux députés concernés sont membres de la CDU/CSU,  un bloc qui, avec 245 sièges, représente 34,5% du Parlement fédéral. A un moment où la Chancelière, Angela Merkel, demande à ses compatriotes patience et compréhension  et que son gouvernement revendique une stratégie de lutte contre la pandémie censée éviter les inégalités sociales, les agissements de Georg Nüsslein,  vice-président du groupe parlementaire CSU et de Nikolas Löbler,  député CDU, tous deux contraints à la démission, n’ont pas seulement choqué mais aussi remis en cause la crédibilité de l’équipe gouvernementale face à la crise sanitaire.

Georg Nüsslein
Nikolas Löbel

Des traitres à la Nation

Dans ce genre de situation, les langues se délient, le climat se délite et il ne faut pas s’étonner de voir aujourd’hui une majorité d’Allemands s’interroger à savoir pourquoi les campagnes de tests, de traçage des personnes infectées et aujourd’hui de vaccination aient été ou soient aussi peu probantes. Les deux députés qui ont profité de la situation de détresse de leurs concitoyens pour s’enrichir à titre personnel  ne sont pas regardés comme des personnes cupides, vénales et cyniques mais comme de véritables traîtres à la Nation . En se comportant de la sorte, ils ont pris le risque de mettre en péril l’avenir politique de certains de leurs collègues, membres des mêmes partis dont l’honnêteté et l’intégrité sont au-dessus de tout soupçon. Dans tous les pays où agissent des hommes politiques abusant de leurs fonctions, on déplore la même conséquence en l’occurrence le discrédit de toute la classe politique. Aucune formation n’est blanche comme neige et aucun gouvernement qu’il soit de coalition ou non n’est épargné. Des lois ont été promulguées au nom de la transparence mais aucune ne peut être réellement appliquée car les astuces pour les détourner sont trop perfides. Les députés allemands sont tenus de déclarer leurs activités secondaires hors mandat, mais cette disposition ne s’applique plus lorsque l’argent n’est pas perçu directement par les politiciens mais par le truchement des entreprises qu’ils dirigent ou dont ils sont associés à moins de 25%.

Responsables mais pas vraiment coupables !

La journaliste indépendante Carin Schomann a lancé le site www.abgeordnetenwatch.de pour dénoncer cette forme légalisée de corruption qu’est l’intervention des lobbyistes dans les affaires courantes de l’Etat et de ses dépenses.  Suite à l’affaire des masques qui a permis aux deux députés cités ci-avant d’encaisser respectivement 660.000 et 250.000 euros de commissions occultes, elle a mené sa propre enquête et pu dresser une première liste de 134 entreprises possédant leur « entrée » au Bundestag . Dans 47% d’entre elles (63 sociétés), le nom d’un député apparaît sur le conseil d’administration en tant que président, directeur ou associé. Ce sont les membres  la CDU/CSU, qui semblent les mieux lotis en matière de revenus complémentaires. Le tiers d’entre eux, (81 sur 245 sièges) en a cumulé en 2020, quelque  8,7 millions  d’euros, soit une moyenne de plus de 100.000 euros par député.  Georg Nüsslein et Nikolas Löbel reconnaissent  avoir perçu leur « argent de poche » par le truchement de leurs  sociétés Tectum Holding GmbH et Projektmanagement GmbH et affirment qu’ils l’auraient déclaré s’ils avaient été associés-gérants mais comme ce n’était pas le cas, ils n’ont pas jugé utile de le faire !  Ce genre de pastille étant, avec ou sans masque,  difficile à avaler, les deux présidents des groupes CDU et CSU au Bundestag, Ralph Brinkhaus et Alexander Dobrindt, ont immédiatement réagi en promettant l’instauration d’un code de bonne conduite, comparable à celui en vigueur pour les membres du gouvernement ; lequel obligera les membres du Bundestag à déclarer l’intégralité des revenus perçus, quels qu’en soient le montant, la forme et l’origine. Les observateurs sont toutefois sceptiques face à une telle proposition qui, pour être efficace, devra nécessiter la création d’un comité suffisamment indépendant et compétent pour mettre fin à des montages financiers complexes dans lesquels sont impliqués des personnages douteux. kb/vjp – Nombre de mots : 675

 

 

 

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