Aides européennes : une générosité de façade

UE – En proposant 750 milliards d’aides dont le tiers sous forme de prêts, la Commission Européenne veut prouver sa capacité à réagir en temps de crise. Naturellement, ces efforts consentis en urgence pour limiter les conséquences dramatiques de la pandémie paraissent astronomiques au regard du citoyen européen lambda. Mais qu’on ne s’y méprenne pas, aussi impressionnante que soit la somme annoncée, elle aura du mal à sauver les économies des pays les plus touchés. 750 milliards « offerts » aux peuples européens, c’est à peine 1.500 euros par an et par habitant, soit quatre euros par jour.

Il est évident que la Commission a crû bon de profiter de la crise sanitaire pour redorer son blason mise à mal par sa lenteur et sa bureaucratie. Y parviendra-t-elle ? Il est encore trop tôt pour répondre mais une chose est certaine, avec ce package, elle ne va pas manquer de susciter des interrogations d’ici septembre prochain, mois au cours duquel les membres de l’Union devraient pouvoir se partager le gâteau. La principale question et non des moindres concerne la répartition de cette volumineuse manne qui aurait assurément frisé les mille milliards si la Grande-Bretagne n’avait pas eu le toupet de quitter la famille. Tous les Européens vivant au sud ou à l’est de la Manche sont priés de remercier les Britanniques d’avoir divorcé car, compte tenu des dégâts causés par la pandémie au Royaume-Uni, ils vont réaliser des économies. Il est fort possible que les experts de Bruxelles se soient laissés influencer par le philosophe André Comte-Sponville qui a eu l’indélicatesse de déclarer, au micro d’Europe 1, tout haut ce que tout le monde pense tout bas, en l’occurrence que « toutes les morts ne se valent pas ». On le sait depuis longtemps car depuis que les statistiques existent, on déplore que les vies n’ont pas la même valeur. Pour répartir son enveloppe de manière à priori équitable, la Commission a été obligée de tenir compte du nombre de décès. Pour la première fois dans l’histoire européenne on a été contraint en période de paix de monnayer les victimes et de récompenser les vaincus. Les trois pays, Italie, France et Espagne qui avaient conduit des politiques d’austérité dans le secteur de la santé et qui n’ont jamais su se prévenir des risques d’une crise sanitaire représentent à eux seuls 53,4% des décès enregistrés dans l’UE, s’arrogent 26,3% du fonds mais ce, de manière inégalitaire car la France avec un nombre du victimes (29.158) comparable à celui de l’Italie (33.899) et de l’Espagne (27136) (*) touchera deux fois moins d’aides (28,8 Mrd) que ses deux voisins (respectivement 81,8 et 77,3 Mrd). Le fonds de soutien à l’économie mis en place par Bruxelles risque de renforcer les inégalités sociales car on assiste à des distorsions flagrantes d’un territoire à l’autre en fonction de leur démographie. A titre d’exemple il est prévu pour la Grèce (10,7 millions d’habitants) 22,6 milliards d’euros alors que la Hongrie (9,8 millions d’habitants) ne devrait percevoir que 8,1 milliards d’euros, soit presque trois fois moins alors que les populations sont approximativement identiques. Compte tenu de ces distorsions et du fait que la concrétisation du plan d’aide est dépendante de l’unanimité des membres de l’Union, il n’est pas exclu que certains d’entre eux jouent les trouble-fêtes. Mais la plus grande inconnue demeure le comportement des sociétés civiles, et notamment celui des milieux hospitaliers, qui sont à l’origine du déblocage rapide des fonds. Auront-elles les moyens suffisants pour orienter l’attribution des fonds dans la bonne direction et vont-elles devoir encore acquiescer à des décisions politiques inopérantes comme c’est le cas en France depuis plus de trente ans ? vjp

(*) Selon les données publiées hier, 8 juin 2020, par l’Université John Hopkins

 

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