A propos des « gilets jaunes » : lettre ouverte à nos lecteurs

Le 20 novembre dernier, je me suis permis de publier un article intitulé «  Les gilets jaunes : une preuve de l’obscurantisme français »  qui n’a pas manqué de susciter un certain nombre de réactions hostiles. Je m’y attendais car, fort d’une expérience de plus de quarante ans de journalisme, j’ai pris conscience que sortir des sentiers battus et défendre d’indéfendable  sont des missions difficiles à assumer. Je suis devenu journaliste par vocation et suis fier d’avoir exercé ce métier sans carte de presse pendant plus de quatre décennies, ce qui ne m’a pas empêché d’interviewer des ministres, des écrivains, des grands peintres et naturellement des acteurs, des producteurs et des distributeurs de films car j’ai été pendant plus de 20 ans spécialisé dans la presse cinématographique et audiovisuelle. Je n’ai jamais sollicité la carte de presse car j’ai toujours considéré les exonérations fiscales dont bénéficiaient les journalistes comme une forme légalisée de corruption. Je le pense toujours !

Si je me permets parfois (souvent) d’être dur avec mes compatriotes, c’est pour la simple et unique raison que j’ai effectué la majeure partie de ma carrière en République Fédérale d’Allemagne, avant et après la chute du Mur de Berlin. J’ai rencontré en plus de 30 ans des centaines d’Allemands, d’Autrichiens et naturellement après 1989, autant de citoyens d’Europe Centrale. Je suis heureux d’avoir pu vivre en direct et sur le terrain, ce que je considère toujours comme un fabuleux tournant de l’Histoire.  Pendant toutes ces années, j’ai recueilli les opinions de personnes qui m’enviaient d’être français mais aussi de beaucoup d’autres  qui profitaient de ma présence pour étriller ces Français imprévisibles, qui sont là quant on  ne les attend pas et qui sont absents quand on a besoin d’eux. Au fil  des ans, la seconde catégorie a pris le pas sur la première .  Au début des années 80, comment expliquer à Munich à des dissidents polonais, hongrois ou tchécoslovaques, pourquoi François Mitterrand avait été contraint de pactiser avec des communistes pour accéder au pouvoir ? Je cite toujours ce moment-clef de la 5ième République car il m’a permis de découvrir, en tant que rédacteur d’un pays ami du bloc soviétique, des territoires qui étaient alors interdits à mes collègues d’Allemagne de l’Ouest.  Je pouvais voyager plus ou moins librement de l’autre côté de l’Oder et franchir sans entrave majeure le Mur de Berlin. Jamais je n’ai autant pris  conscience de ce que signifie réellement le mot « liberté ». Liberté de se mouvoir, liberté de s’exprimer, liberté de dialoguer : c’est cette période qui n’a cessé de me motiver et qui fera qu’à mon modeste niveau je me battrai pour que l’Europe se reconstruise.

Que les lecteurs qui se sont offusqués que j’assimilasse les « gilets jaunes » à des « agités du terroir » me pardonnent ou non, je ne reviendrai pas sur cette image abrupte car je pense qu’elle contient sa part de vérité, dans le sens où le peuple français a peut-être de bonnes raisons de s’agiter mais qu’il le fait dans des conditions indignes d’une Grande Nation.

Les « gilets jaunes » ont inventé dans l’urgence un programme , le  « Référendum d’Initiative Citoyenne » (RIC), qu’ils prennent garde à ce qu’il ne se  transforme pas  en « Revendication de l’Ignorance Collective ».

J’ai pris l’initiative de mettre à contribution les rédacteurs avec lesquels PG5i  collabore pour suivre au quotidien l’évolution de leur pays, pour savoir comment le mouvement des « gilets jaunes » est ressenti à l’extérieur des frontières françaises et quelles sont les véritables préoccupations de leurs compatriotes au moment même où se joue le destin de l’Europe.

Force est de constater que la rébellion est considérée comme un événement typiquement français, car désordonnée. En revanche, elle n’est pas, exceptionnellement,  franco-française, car elle est met en danger tous les pays de l’Union Européenne. Ce ne sont plus les Lumières qui sont exportées par la France, mais le chaos !

 

Vital-Joseph Philibert

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