TVA ou le plus grand des délires européens

Slovaquie/UE – Est-il normal que les consommateurs travaillant dans les pays dont les salaires sont de deux à quatre fois inférieurs à la moyenne européenne payent leur litre de lait ou leur plaquette de beurre plus cher que dans la plupart des territoires les plus riches ? La logique voudrait que nous répondîmes par la négative et pourtant ce n’est pas le cas, notamment en Slovaquie qui est entrée dans la zone euro en 2009 mais a attendu plus de dix ans pour instaurer un taux réduit de TVA sur la produits alimentaires.
La TVA : la moins solidaire des taxes
La Slovaquie était jusqu’à présent le seul pays à taxer à 20% les aliments de base dont le lait, les fruits et les légumes y compris ceux produits localement et c’est grâce à l’intervention d’Eva Antosova (notre photo) membre du parlement et du Parti National Slovaque (SNS : Slovak National Party) que le taux de TVA a été réduit de moitié. Ramené à 10%, il demeurera toutefois encore supérieur à celui instauré dans la plupart des membres de l’Union Européenne. Il n’est d’impôt plus injuste et inégalitaire que cette taxe sur la valeur ajoutée qui ne sert en réalité qu’à ponctionner des centaines de milliers de personnes au profit de quelques dizaines de circuits de distribution qui génèrent des chiffres d’affaires et des bénéfices astronomiques au détriment des classes les plus défavorisées. La baisse du pouvoir d’achat a beau être le plus récurrent des sujets de préoccupation des citoyens européens, personne ne s’attèle à l’uniformisation des taux de TVA, car cet impôt indirect perçu de manière souvent ubuesque représente une source de revenus considérable. Le remettre en question de manière juste et rationnelle risquerait de mettre en cause tellement d’autres mauvaises habitudes qu’il est préférable de ne pas y toucher. Il faut reconnaître que cette taxe ne manque pas de vertus. Née en France, en 1954, pour, paraît-il, « décomplexifier » le système fiscal, elle s’est avérée à tel point efficace qu’elle est devenue, une fois n’est pas coutume, l’invention française le plus imitée au monde. A défaut d’exporter leurs produits, les Français ont exporté une idée qui consiste à taxer les consommateurs de leur naissance à leur trépas. Tout est soumis à la TVA et du biberon au cercueil il n’est de produit qui y échappe. La notion de valeur ajoutée s’ajoute systématiquement sur des objets et des services qui ne devraient plus en avoir puisqu’ils ont été des millions de fois amortis. Les inventeurs de la TVA est réussi le tout de force de la rendre cumulable. Lorsqu’on envoie un simple colis, on s’en acquitte en achetant le carton, le papier d’emballage, le scotch ou la ficelle, le timbre et l’envoi si on recourt à une société privée. Mais c’est naturellement dans le secteur de l’alimentaire qu’elle rapporte le plus, car si on peut se dispenser d’envoyer des courriers tous les jours, il est difficile de rester 24 heures sans manger. De cette vérité première, les gouvernements en ont pris conscience et c’est ainsi que depuis des décennies ils appliquent des taux à leur convenance. Qu’ils soient de droite ou de gauche, ils ont toutefois un point commun en l’occurrence la peur des jacqueries qui ne touchent plus le seul monde paysan mais la société toute entière. Il n’y a rien de tel qu’une augmentation excessive du prix de la miche de pain pour faire descendre le peuple dans la rue. Pour se parer de ce danger, les cerveaux dirigeants se sont mis exceptionnellement d’accord pour dresser une liste de produits incontournables dont les pauvres, les moins riches et les très riches ont besoin pour survivre et continuer à payer leurs impôts. On en compte dix-huit qui sont tellement évidents qu’il n’est pas inutile de les énumérer : les pommes de terre, la farine, les épices, les légumes, les fruits, le thé, le café, les fruits secs, le lait, la viande, le poisson, le sucre, le beurre, les champignons, les yaourts, les œufs et le miel. A priori, ça suffit pour manger bien, bon et varié mais ce n’est pas aussi simple qu’on peut l’imaginer car il y a hélas, fruits et fruits, thé et thé, poissons et poissons, etc, etc, et quels que soient les produits qu’on achète dans l’une de ces catégories, il est fort possible qu’ils ne soient pas soumis au même taux de TVA. Les personnes qui nous imposent nos menus redoublent en effet d’imagination pour nous faire payer ce que nous a offert la nature, nos fesses par exemple. C’est ainsi que si vous achetez un sandwich pour l’avaler en marchant dans la rue il ne vous sera taxé qu’à hauteur de 2 à 7% en fonction du pays, en revanche si vous le mangez assis sur un tabouret inconfortable planté sur le trottoir, il le sera à 12 voire 19 ou 20%.

Manger cinq fruits et légumes : c’est excellent pour les caisses des Etats !

Ces drôles de taux réduits

Beaucoup s’interrogent, à savoir pourquoi l’Allemagne est aussi riche, et la plupart des économistes explique cette réalité par sa puissance à l’export. Mais c’est loin d’être la seule explication. La République Fédérale a su mettre en place un système fiscal et instaurer une TVA qui s’adapte à tous les cas de figure et cette gymnastique taxatrice a fait des émules partout en Europe. Les taux bas de TVA y ont été instaurés en 1968 pour calmer le mécontentement croissant des consommateurs et surtout des classes défavorisées et des retraités. Pour satisfaire cette population, électoralement majoritaire, il fut alors décidé de diviser par deux le taux de TVA et de le ramener à 5% sur les produits de base que sont les produits alimentaires. Mais pour compenser cette baisse consentie aux plus pauvres, a été augmentée la TVA sur les produits intermédiaires ce qui a contribué à alourdir les charges des classes moyennes. C’est ainsi qu’est née la plus perverse de inégalités sociales car à la longue le fossé s’est creusé entre le nombre de produits à bas taux qui a stagné et celui des produits à taux standard qui n’a cessé d’augmenter, sous prétexte qu’une « valeur ajoutée » venait s’y greffer. L’exemple le plus flagrant est le produit le plus international qui soit, en l’occurrence la pizza. Si vous en achetez une pour la consommer à domicile vous payez 7% de TVA, si vous l’a savourée sur place vous allez devoir vous acquitter de 19%. Pour des raisons difficiles à comprendre les restaurants rapides bénéficient du taux réduit. Paradoxalement, si vous invitez vos amis dans un restaurant proposant un grand buffet varié où ils vont se servir eux-mêmes, le fait qu’ils s’assoient à une table dans une salle sans personnel sera considéré comme de la valeur ajoutée. Si vous organisez votre sauterie chez vous, le traiteur, s’il veut respecter la loi, devra détailler ce qu’il a cuisiné avec des marchandises à taux réduit et ce qu’il a mijoté avec des produits à taux standard. Comme cette condition est carrément absurde et les abus incontrôlables, il facture au taux le plus élevé. La TVA légalise une fraude contre laquelle personne ne lutte car elle est devenue une habitude

Manger des fraises à Noël : c’est possible !

L’ acceptation de cet impôt indirect foncièrement antidémocratique car il pénalise la majorité des pauvres grâce à la complicité des plus riches est cautionnée par la Commission Européenne qui ne s’est jamais attelée au problème alors que l’uniformisation aurait dû être une de ses premières priorités. Sur les 28 pays de l’Union, 21 ont un taux standard égal ou supérieur à 20%. Dans seize d’entre eux il évolue entre 21 et 27%, sept et quinze ont respectivement un et deux taux réduits et trois, (Italie, France et Irlande) en ont instauré trois. Le taux standard le plus bas (17%) est en vigueur dans le pays le plus riche, le Luxembourg, et le plus élevé en Hongrie (27%) alors que dans cette République le salaire moyen (800 euros) y est 3,3 fois inférieur à la moyenne européenne (2.610 euros). Si tous ces sous-taux étaient fixés de manière logique, la collecte de la TVA ne serait pas aussi sujette aux abus, malversations ou erreurs de bonne ou de mauvaise foi, or ce n’est pas le cas car ils varient de la moitié, au tiers ou au quart du taux standard en fonction des territoires. Inutile d’estimer le montant des milliards de marchandises qui transitent en une minute d’un pays à un autre pour prétendre voire affirmer que la TVA est un cadeau tombé du ciel pour berner en toute impunité l’intégralité de la population européenne. Manger cinq légumes et fruits par jour est bon, nous clame-t-on, pour la santé mais c’est surtout excellent pour les caisses des Etats qui préfèrent fermer les yeux devant les incohérences de la TVA plutôt que de la réformer en profondeur. Les inégalités les plus flagrantes le sont naturellement dans les marchandises les plus courantes, en l’occurrence les produits alimentaires. Le 1er octobre dernier un kilo de tomates vendu en Suède coûtait 2,97 et 2,62 euros au Danemark et en Suède mais seulement 1,28 euro en Grèce, ce qui est tout à fait normal puisque les pays scandinaves ne sont pas des producteurs de tomates. En revanche, il est difficile de comprendre pourquoi ce même jour un Danois payait 2,22 euros un kilo de bananes alors que son voisin lituanien seulement 1,01 euro. A preuve du contraire, ni le Danemark, ni la Lituanie ne sont des producteurs de bananes. Ce n’est qu’un exemple parmi des milliers d’autres et ces inégalités d’un territoire à l’autre ne vont cesser d’empirer car tout est organisé pour qu’il en soit ainsi. En incitant les consommateurs à ne plus tenir compte des produits saisonniers, on privilégie la logistique sur la qualité. On impacte l’environnement en construisant des kilomètres carrés de serres ou des milliers de mètres carrés d’ères de stockage climatisées pour pouvoir manger des fraises et des framboises entre Noël et le Jour de l’An, ce qui est paradoxal car il y a seulement quelques années on nous vantait les vertus du surgelé. Et voilà que cette TVA qui a l’avantage d’être devenue universelle mais l’inconvénient d’être très mal gérée nous amène au sujet le plus brûlant qui agite la planète, le réchauffement climatique. En parlerait-on autant si les femmes et hommes politiques avaient eu le courage d’exonérer de TVA tous les produits non polluants ? Evidemment non. Pour se dédouaner de toute responsabilité, ils ont préféré instaurer une taxe carbone. Il est vrai qu’il est plus aisé d’encaisser à court terme que de réfléchir dans la durée ! vjp

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