Trois pays à la loupe pour comprendre l’Europe

France/UE – Ils parlent, sillonnent la France, prêchent leur bonne parole, fréquentent à tour de rôle les plateaux de télévision, les plus riches tentent d’en faire de même hors de leurs frontières et se risquent à quelques réunions à l’étranger. De qui s’agit-il ? Naturellement, des têtes de liste aux élections au Parlement Européen et de leurs acolytes éligibles. Plus la campagne avance, plus on s’aperçoit que ces braves gens pensent davantage à leur carrière politique personnelle qu’à l’avenir de l’Europe. 

Ils profitent de l’aubaine pour faire la promotion de leur nouvel essai sur la belle Europe dont ils rêvent, celle qui leur permettra de s’assurer un complément de retraite après avoir siégé cinq ans à Strasbourg. A quelques différences près, leurs programmes sont empreints des mêmes promesses. Une chose est sûre, beaucoup d’entre eux ne connaissent pas mieux l’Europe que ne la connaissait Michel Barnier lorsqu’il a été nommé à l’âge de 44 ans secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes, après avoir été élu, à 27 ans, député de la 2ième circonscription de la Savoie.  Contrairement à ce qu’on tente de nous faire croire, le jeunisme en politique ne date pas d’aujourd’hui et n’est un gage de stabilité ni en France, ni en Europe. Le mouvement des « gilets jaunes » et le fiasco du Brexit, dont Monsieur Barnier en personne a eu la charge de coordonner, sont là pour nous le rappeler. Cette campagne aux Européennes n’a pas dérogé à la règle qui veut que pour faire croire aux rêves, il faut commencer par occulter les réalités. Comment mieux se voiler la face si ce n’est en proférant des stupidités sur la nécessaire égalité sociale, le SMIC pour tous et tutti quanti, seul moyen de contrer le « populisme », ce terme générique que tous utilisent pour pallier leur manque d’audace et d’idées. Comment peut-on « bien » voter le 26 mai c’est-à-dire sans tomber dans le piège de la propagande de droite, du centre ou de gauche quand ce n’est pas d’extrême-gauche ou d’extrême-droite ? Le scrutin du 26 mai ne sera pas un mariage où on rencontre pour la première fois les membres d’une belle-famille qu’on ne reverra plus, c’est plutôt un jour de funérailles où on compte, parfois les doigts d’une seule main, les vrais amis du défunt. Mais cette image n’est pas la mieux appropriée à l’Europe, car le plus pourri des disparus est toujours prétexte à éloges, dithyrambes et hommages, en revanche celui qui quitte la famille européenne se voit accuser de tous les maux. Pour éviter que les propagandes partiales et les querelles de chapelle prennent le pas sur la réalité européenne, la Fondation Friedrich Ebert (FES / Firedrich-Ebert Stiftung) a effectué une longue et minutieuse enquête dans sept pays dont on peut penser qu’ils reflètent le passé, le présent et l’avenir (possible ?) de l’Europe. Si la démographie des pays sélectionnés a été déterminante à l’étude , elle n’en pas été pour autant un préalable et c’est pour cette raison qu’elle est enrichissante. En tant que membres fondateurs de la Communauté Européenne demeurant les deux plus grandes puissances économiques, l’Allemagne et la France étaient de fait incontournables. Le choix de la Pologne, figure de proue du groupe Vizegrade  s’imposait pour deux raisons, d’une part parce que sa population est supérieure à celles, cumulées, de la République Tchèque, de la Hongrie et de la Slovaquie, d’autre part parce que les Polonais s’expriment, à quelques nuances près, de conserve avec leurs trois alliés sur le sujets les plus sensibles dont le plus récurrent est naturellement l’immigration. Le seul reproche (et assurément pas le moindre !), qu’on puisse formuler à l’adresse de la FES, est l’omission du Brexit dans le choix des questions, comme si cet événement n’était déjà qu’une parenthèse dans l’Histoire de l’Europe contemporaine, ce qu’il n’est pas et ne sera peut-être jamais. Abstraction faite de cette lacune, les résultats de cette analyse ne lassent pas de surprendre car ils prouvent à quel point l’Europe fonctionnerait mieux si les peuples qui la constituent se connaissaient mieux. Sur la plupart des thèmes sujets à polémique, une majorité de Français, d’Allemands et de Polonais sont à l’unisson , ce qui tend à prouver que les médias commettent une grave erreur lorsqu’ils tentent d’imposer aux citoyens européens un ennemi commun qui s’appellerait le « populisme ». L’absence du Royaume-Uni est compensée par les quatre autres pays sélectionnés dont le choix n’est pas anodin. La Lettonie tout d’abord, au centre des pays baltes est à ce titre un condensé des cultures lituanienne, estonienne mais aussi scandinave et russe, la Serbie, en tant que candidate à l’Union Européenne, est déjà appelée à jouer son rôle dans les conflits toujours latents dans les Balkans, l’Ukraine dont le choix semble avoir été prémonitoire à l’élection surprise du nouveau président de la République et enfin la Russie dont chacun sait que, de gré ou de force, elle va être amenée à jouer un rôle prépondérant dans l’avenir de l’Europe. Ces sept territoires correspondent aux deux premiers piliers de l’édifice européen, en l’occurrence la paix et la sécurité. Sur ces deux points les Polonais, Allemands et Français sont sur la même longueur d’onde et ont majoritairement confiance en leurs justice, police et armée. Seuls les Allemands sont moins enthousiastes à l’égard de cette dernière ce qui se comprend pour des raisons historiques mais aussi à cause de récents scandales qui ont entaché l’image de marque de l’institution militaire. Une majorité d’entre eux jette un regard négatif sur la presse ce qui aboutit, par conséquence, à un discrédit des partis politiques mais aussi d’une manière générale des gouvernants. Les deux seuls points de discordance entre les populations de l’ouest et du centre de l’Europe concernent les politiques environnementale et migratoire. Mais là encore, les différences ne sont pas aussi élevées que la presse le prétend. Il est évident que si les médias occidentaux ne donnaient pas autant d’échos à certaines mesures prises à Bruxelles par la Commission ou à Strasbourg par le Parlement et qui consistent à clouer au piloris certaines formations politiques qui sont dérangeantes parce qu’elles s’échappent du « politiquement correct » , les dissensions n’auraient jamais atteint le niveau constaté à ce jour. Du bilan que tirent les auteurs et analystes de cette étude, on constate que les deux parties de l’Europe n’ont pas la même conception de la sécurité et des moyens à mettre en œuvre pour la garantir mais qu’en revanche elles sont unies sur deux points essentiels, la prévention des conflits au sein de l’union et la lutte contre le terrorisme. Dans ce climat de morosité ambiant, ce n’est déjà pas si mal ! vjp

Ce qui fait peur aux… (en%)AllemandsFrançaisPolonais
Le changement climatique808366
La croissance démographique mondiale495735
Les guerres et conflits777775
L'immigration non contrôlée515866
La guerre économique516957
Les discensions au sein de l'Europe675654
Le terrorisme international697875
Ils font confiance au/à… (en%)AllemandsFrançaisPolonais
gouvernement493632
chef d'Etat584032
aux armées588467
la police818162
aux Services secrets345538
la presse402934
la justice726548
aux formations politiques251221
Ils souhaitent que soit renforcé le rôle de…AllemandsFrançaisPolonais
ONU816881
OTAN544578
UE796468
Union Eurasienne443566
Les relations avec la Russie et les USAAllemandsFrançaisPolonais
La Russie est une menace pour la sécurité de l'UE334077
Les USA sont une menace pour la sécurité504434
L'OTAN aus frontières russes est une menace503543
L'élargissement à l'est de l'UE serait un danger414541
Les intérêts russes sont contraires aux européens364968
Les conflits en Ukraine, qui est responsable ?AllemandsFrançaisPolonais
Les Séparatistes624851
L'Ukraine473324
La Russie776382
L'Union Européenne232014
Les Etats-Unis363014
Autres644
La Russie a…AllemandsFrançaisPolonais
annexé la Crimée illégalement525976
occupé la Crimée légitimement181218

Commentaire

Une étude ne reste qu’une étude et ne peut être généralisée à l’ensemble de la population européenne. A l’instar des sondages, les résultats dépendent de l’actualité du jour où elle a été réalisée. Si une ministre de la Défense allemande ou un ancien 1er ministre français sont impliqués dans des affaires d’études surpayées ou d’emplois fictifs destinées à enrichir leur famille ou leur entourage, il est alors évident que tous les gouvernants en subissent les conséquences. Cette évidence vaut aussi pour la presse qui, de partout en Europe, est aux abois face à la déferlante des réseaux sociaux qui permettent à tous les Internautes de devenir, du jour au lendemains, des reporters du dimanche. Seuls les supports qui prennent le temps d’analyser sont fiables mais comme ils demeurent confidentiels, ils n’ont aucune influence sur l’opinion. Il faut se faire à l’idée que nos sociétés évoluent dans l’urgence et sans le recul nécessaire à la raison. Etant donné que les femmes et les hommes politiques sont les premiers, avec leurs journalistes, amis et accrédités, à tomber dans le piège, il ne faut donc pas s’étonner que ces deux mondes soient, de conserve, discrédités et qu’en parallèle les rumeurs et les mensonges prennent le pas sur la vérité. Cette réalité a une conséquence dangereuse dans le sens où les électeurs n’ont d’autre choix, pour se faire entendre, que de s’abstenir. Aucun des 751 députés du Parlement européen n’est en réalité légitimé par les électeurs et aucun ne représente la majorité de son peuple, un paradoxe dans une union qui prétend défendre des « valeurs » alors qu’elle entrave la démocratie. L’étude de la Fondation Friedrich-Ebert est enrichissante dans le sens où elle confirme ce qu’on ne faisait jusqu’alors que subodorer. Elle saborde par ailleurs un certain nombre de préjugés, celui qui consiste à considérer les Polonais comme anti-européens alors que près des deux tiers d’entre eux souhaitent voir le rôle de l’Union Européenne renforcé. C’est cette majorité silencieuse que les médias occidentaux occultent lorsqu’ils filment des manifestations qui ne regroupent que quelques milliers de Varsoviens. Les « fake-news » les plus dangereuses sont celles qui sont légalisées par les minorités bien-pensantes. Idem en ce qui concerne le crise ukrainienne qui a été traitée de manière différente en Allemagne et en France. Près d’un Allemand sur deux estime que les Ukrainiens ont leur part de responsabilité alors que seul un Français sur trois et un Polonais sur quatre sont du même avis. En revanche, les trois camps sont à l’unisson pour condamner la Russie.

 

 

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