Elections Européennes ou l’humour hongrois !

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Hongrie/UE –  On pourra dire et écrire ce qu’on veut, mais le moment est peut-être venu, en pleine campagne électorale de mettre fin à cette propagande antipopuliste primaire qui tend à monopoliser tous les médias institutionnalisés, qu’ils soient de droite ou gauche et qui n’est pas sans faire penser à celle qui était de règle au moment de la guerre froide où le méchant communiste était illustré par un monstre le couteau entre  les dents mais aussi à celle en vigueur sous la République de Weimar où des affiches représentant un juif au nez aquilin et aux mains de rapaces ornaient les rues de Berlin.

Des trublions efficaces

Gerlo, le « passiviste »

Tête de liste Veronika Juhasz

Il est facile aujourd’hui de jeter aux gémonies la Hongrie et son chef de gouvernement sous prétextes qu’ils ne respecteraient pas les valeurs européennes mais il n’en demeure pas moins  que dans cette République,  dont on nous dit qu’elle est autocratique, autoritaire et pourquoi pas, au point où en est, tout simplement  « facho », il y est autorisé des initiatives qui sont inimaginables dans la plupart des  pays qui se prétendent « démocratiques »,  parmi lesquels naturellement la France, dirigée par un homme qui n’hésite pas à réquisitionner vingt-sept quotidiens dont il sait qu’ils sont acquis à sa cause, pour imposer à plus de cinq cents millions de citoyens ses visions personnelles de l’Europe.  Sous le régime « dictatorial » de Viktor Orban, une bande joyeux lurons est habilitée à s’engager dans la course aux élections européennes. Ils sont les fondateurs et militants du Magyar Ketfarku Kutya Part (MKKP), le Parti Hongrois du Chien à Deux Queues, une formation pour le moins insolite dont la presse parle peu, car elle est la seconde, après les hommes politiques à en prendre plein les gencives. Leur programme tient en une phrase : « Pour que le monde soit meilleur, il faut redonner à l’humour la place qu’il mérite ».  Coluche, en France, y avait pensé avant eux mais, hélas, en France, les femmes et les hommes politiques n’aiment guère qu’un intrus  vienne mettre son nez dans leurs affaires. Ils sont suffisamment rusés pour s’allier en dernière minute, oubliant leurs querelles stériles pour détruire un ennemi commun. Ce n’est pas du courage, c’est de la lâcheté et c’est cette indignité qui fait que les l’électeurs boudent les urnes et que l’Europe va mal. Le second crédo des membres du MKKP s’exprime par leur lassitude de voir les sociétés éternellement scindées en deux camps, la droite et la gauche, dans lesquels une majorité de citoyens ne se retrouve plus, ce qui crée un sentiment d’impuissance qui se généralise. Ce sentiment, il est accentué par la presse qui suit le mouvement alors que son rôle serait de sortir le bon grain de l’ivraie, d’analyser ce qui est bien ou mal dans chacun des deux camps et d’en proposer une synthèse. Imaginez un instant, en France,  les rédactions de « Libération » et du « Figaro » travailler ensemble sur des sujets d’actualité pour sortir une édition commune. Il est alors fort à parier que cette initiative n’apporterait rien au débat car chaque rédacteur  profiterait de l’aubaine pour étaler ses convictions personnelles. Pour sensibiliser la majorité des personnes qui n’ont jamais la parole,  Gergely Kovacs a commencé, en 2006,  par tourner en dérision l’art abstrait en se moquant d’œuvres qui, bien que sans intérêt,  atteignaient des sommes colossales uniquement parce qu’elles avaient été signées par des créateurs reconnus. Un phénomène de mode qui choque tout le monde mais dont personne n’ose parler.

Street-art à l’horizontale

Une nouvelle doctrine : le « passivisme »

Ce n’est que quatre plus tard à l’occasion des élections municipales que le MKKP prit un tournant politique. Rejoint par des détracteurs du politiquement et du culturellement correct, dont le galeriste Zsolt Victora,  Gergely, Gerlo pour les intimes, et ses nouveaux amis décidèrent de se moquer   des campagnes d’affichages des partis traditionnels, dont naturellement celui de Viktor Orban, le FIDESZ.  Les habitants de Budapest mais aussi d’autres villes du pays, découvrirent un beau matin un programme beaucoup plus ambitieux et alléchant que ceux des partis historiques. Voter pour le MKKP, c’était avoir la « garantie d’une vie éternelle plus 20 ans ! » ou la « bière gratuite pour tous ! ». Finalement grâce au MKKP mais aussi à Viktor Orban, jamais les Hongrois n’avaient autant ri qu’en cette veille d’élections où ils voyaient leur ville se « clomerliser ».  Très vite les Chiens à deux Queues sont devenus un phénomène de société qui n’a rien à voir avec les « gilets jaunes » car ils aboient sans mordre. A la manière d’un acupuncteur chinois, ils soignent la société en plantant leurs aiguilles là où ça fait mal et non sur le corps tout entier. Ils trouvent le nerf sensible dont celui qui consiste à mettre en doute le travail de tous ces activistes et lanceurs d’alerte qui, à l’instar des politiques qu’ils dénoncent, préfèrent bavarder qu’agir. Le MKKP est par conséquent fier de se considérer comme un groupe de « passivistes », entendez par là des personnes qui bouchent les nids de poules pour ensuite les peindre et ça pourrait s’appeler du « street-art à l’horizontale »  ou qui construisent à la hâte un abribus sur un axe fréquenté qui n’en possède pas ! Dans le cadre d’un long reportage consacré au MKKP par notre partenaire  « Budapester Zeitung »,  Zsolt Victora insiste sur sa lassitude de voir « la société perpétuellement divisée en deux et placée sous la tutelle de personnes qui ne cessent de se rejeter réciproquement leurs responsabilités » .  Comme cette réalité n’est hélas pas spécifiquement hongroise mais européenne, il était logique que le MKKP tente sa chance aux élections du 26 mai prochain. Contrairement aux « gilets jaunes », ils n’ont eu pas de mal à constituer une liste, dont les deux têtes sont des « passivistes » de la première heure, Veronika Juahasz et Zsuzsanne Döme, qui,  s’il advenait qu’elles fussent élues, seraient l’incarnation d’un immense succès. L’objectif du MKKP, s’il parvient à réunir les 20.000 signatures nécessaires ,  n’est pas en effet de constituer un groupe à Strasbourg, encore moins de négocier un ou deux sièges à une fraction existante, mais de donner un ton teinté d’humour et de réalisme aux débats le plus souvent stériles, dont le Parlement Européen a le secret.

« Siesta » et « Fiesta » !

Et pourquoi la fête après la sieste !

Car derrière l’humour se cache des vérités évidentes. Pour contrer la campagne anti-migrants de Viktor Orban, le MKKP en propose une à l’étranger qui consisterait à faire revenir au pays les milliers de ressortissants hongrois qui ont émigré à l’étranger après l’entrée de leur pays dans l’Union Européenne.  Les MKKPistes ont par ailleurs constaté que, partout en Europe, du nord estonien, au sud portugais,  la majorité des citoyens est favorable à une baisse du temps de travail et de l’âge légal d’accès à la retraite, ce qui prouve qu’ils préfèrent se reposer que travailler. Pour faire aimer l’Europe au plus grand nombre, il suffirait d’instituer une sieste obligatoire dans tous les pays entre 12  et 15 heures.  Le plus drôle dans cette proposition est que Zsolt Victora s’en est sérieusement entretenu récemment avec le vice-président du Parlement Européen, Fabio Massimo Castaldo (notre photo), lequel n’a pas trouvé l’idée saugrenue car il suggère qu’après la « siesta », il pourrait être envisagée une « fiesta ». Et pourquoi pas après tout ? Ne serait-ce pas joliment européen que de voir les négociations du Brexit s’achever par un tango dansé langoureusement par Michel Barnier et Theresa May ? Toujours à propos loisirs le MKKP soumet une autre initiative qui est loin d’être idiote et qui consisterait à rendre fériés toutes le fêtes nationales dans tous les pays, ce qui permettrait de rappeler aux jeunes Roumains tous les 11 novembre que leur arrière grand-père est mort à Verdun pour rendre leur  liberté aux Français et aux jeunes Autrichiens tous les 14 juillet que le beau visage de leur plus belle reine a atterri dans un panier. Quant aux jeunes Français, ils en apprendraient des vertes et des pas mûres sur tous ceux qu’on vénère chez eux, Louis XIV, Napoléon ou Clémenceau, alors qu’ils ont contribué à détruire l’Europe.  A bien y réfléchir cette proposition fait penser à celle qui a contribué à imposer les congés payés, dont les détracteurs prétendaient qu’ils allaient conduire à la faillite. Or c’est tout l’inverse qui s’est produit car ils ont donné naissance à l’économie touristique mais aussi à une meilleure productivité. A l’heure du numérique qui est développé pour mettre peu à peu fin à la bureaucratie mais également, du moins faut-il l’espérer, à la corruption et à l’évasion fiscale, l’institutionnalisation à terme d’une quarantaine de jours fériés n’aurait probablement pas de conséquences négatives majeures sur l’économie européenne. Une chose est certaine, elle permettrait aux Européens de mieux se connaître, de mieux partager leurs responsabilités et de mieux se respecter. Si tous les Européens commémoraient tous les 25 janvier la libération du camp d’Auschwitz,  ils se souviendraient qu’il y a eu des moments dans l’Histoire où tous les européens portaient tous la même tenue rayée et tous vivaient à l’ombre de la même mort. Sans cet intensif et permanent travail de mémoire, tous les discours  qu’on va nous asséner jusqu’au 26 mai n’auront aucun sens. (Source : article de Stefanie Ens, publié ce jour dans « Budapester Zeitung » / Synthèse et traitement en français : pg5i/vjp)

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